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02 avril 2008

Beaufort, Oscar du film négationniste

Je dois avouer que j'ai des goûts cinématographiques assez spéciaux: j'aime les films bizarres, décalés, imparfaits, discutables... C'est peut-être pour cela que j'ai aimé le film israélien sorti la semaine dernière en France: Beaufort.

Ça n'est en effet pas tous les jours qu'on peut voir un film aussi clairement négationniste. Évidemment, je viens de vous le dire: en matière de cinéma, j'aime le spécial, le raté, le pas fameux.

Par «négationniste», je veux dire: «qui nie une réalité historique avérée».

* * *

Les critiques de films sont, dans la triste caste des journaleux, parmi les plus fainéants et les plus incultes. La recopie minutieuse d'extraits choisis du dossier de presse est pour eux une tâche épuisante. La lecture de la page des résumés de critiques consacrées à Beaufort sur AlloCiné donne le ton:
«L'armée israélienne apparaît dans sa dimension de bravoure et d'absurde. Joseph Cedar (...) pose les questions qui dérangent.» - TéléCinéObs, François Forestier

«Au-delà du message politique évident du film, Beaufort trouve aussi une profondeur inattendue dans l'utilisation que fait Cedar de son décor (...) Un juste questionnement sur l'histoire.» - Les Inrockuptibles, Jean-Baptiste Morain

«Le film est sorti en Israël quelques mois après la “deuxième guerre du Liban”, en 2006, dans un fort moment de contestation des opérations menées. La leçon en va bien au-delà.» - L'Humanité, Dominique Widemann

«Hymne anti-guerre, (...) ce film est un coup de maître de la part d'un réalisateur qui avait un temps - ironie de l'histoire - caressé l'idée de devenir général.» - La Croix, Sophie Conrard

«Un film précis qui ne célèbre jamais [la guerre] (...) Beaufort est juste d'un bout à l'autre. (...) C'est un peu toutes les guerres qu'il raconte.» - Libération, Jean-Pierre Perrin

«Un vigoureux pamphlet contre l'absurdité de la guerre.» - Ouest France
La lecture de toutes les notules est simplement démoralisante: en gros, un beau film anti-guerre qui pose les bonnes questions...

Seul Télérama émet une réserve sur le fond politique du film:
«Tiré d'un roman de Ron Leshem, le film pèche surtout par sa neutralité: bien sûr, l'état-major israélien est durement critiqué pour ses choix stratégiques, et, en lui obéissant strictement, le jeune commandant du fort va perdre tragiquement quelques-uns de ses hommes.

Mais telles sont les absurdités de la guerre en général, et pas spécifiquement celles de l'interminable conflit israélo-palestinien. Ainsi, même exécutant des ordres stupides, les troufions sont de braves petits gars, respectueux du drapeau et de la nation. Manque peut-être un contrechamp sur l'ennemi, qui permettrait de restituer tous les enjeux de cette guerre-ci.» - Aurélien Ferenczi
J'avais découvert ce film sur Aljazeera en anglais il y a quelques mois. La jeune chroniqueuse culture-cinéma de la chaîne avait en effet présenté Beaufort comme étant un film «polémique en Israël», parce que, disait-elle, prônant la paix.

* * *

Dans le genre «film de guerre contestataire», Beaufort est excellent et efficace, très exactement dans la veine des meilleurs films américains contestant la guerre du Vietnam: excellents et... négationnistes. Le principe de ces films était de faire croire que la guerre qui a détruit le Vietnam, ses habitants et sa société, était mauvaise parce qu'elle... faisait du mal aux Américains et à ses soldats (d'où la toujours risible prétention américaine à se croire victime du Vietnam plutôt que l'inverse - lire Chomsky et ses descriptions de la «contestation» de la guerre du Vietnam).

Beaufort nous montre le quotidien de soldats israéliens, retranchés dans un fort au sommet d'une montagne du Sud Liban, peu avant le retrait israélien de 2000, souffrant de la peur, de l'ennui et d'un manque total de motivation. L'«ennemi» n'est jamais montré, on ne voit que l'effet meurtrier de ses roquettes et de ses bombes.

Ce que tous les critiques qui vantent la «justesse» de ce film n'ont pas remarqué, c'est que le film est «juste» à condition de considérer qu'il s'agit de science-fiction, d'une guerre inventée qui a eu lieu sur une autre planète. Car ce que «montre» Beaufort, en réalité, c'est tout ce qu'il ne montre pas. Sa vérité est dans le mensonge par omission systématique.

Ce que le film ne montre pas, et qui est pourtant le fondement même de ce qu'ont vécu les habitants du Liban sud:
  • la terreur systématique contre les populations civiles,
  • la politique systématique de déplacement de populations,
  • la mise en place d'une milice de mercenaires d'idéologie fasciste (l'ALS) orientée directement contre la population,
  • les bombardements punitifs systématiques,
  • les villages rendus inhabitables et les champs de mine installés partout,
  • la destruction totale des infrastructures civiles,
  • le détournement de l'eau,
  • les rafles et les scéances de torture...
Absolument rien de tout cela n'est même évoqué dans le film (et encore moins montré). Nous avons une bande de braves (et sympathiques) soldats d'une armée d'occupation, retranchés dans leur fort, soldats qui sont tués mais ne tuent jamais personne.

Pour un rappel des exactions israéliennes au Liban sud, on peut relire cet article de 1999 du Monde diplomatique, signé Walid Charara et Marina Da Silva, «Résistance obstinée au Liban sud».

Quant au rôle de la Résistance libanaise, le film passe implicitement un message explicité une seule fois par un journaliste de la télévision (dans le film). Les Israéliens sont entrés au Liban avec une mission mais, en 2000, le «sens» de cette mission est perdu et les Israéliens décident de se retirer de leur plein gré. Le Hezbollah, lui, se contente d'intensifier ses attaques à distance (jamais de corps à corps dans le film) pour pouvoir s'attribuer de manière indue cette «victoire».

Beaufort est l'un des plus exemplaires cas de négation de l'histoire du cinéma contemporain. C'est fait avec des images magnifiques, une discours pseudo-humaniste remarquable et une ingénuité qui méritent l'admiration. C'est à ce titre qu'il aurait dû décrocher l'Oscar du film négationniste à Hollywood.

17 commentaires:

Anonyme a dit…

Ça me fait penser au film "Projet Blair Witch". On ne montre pas le/les méchants, les méchants seraient tout autour, ils seraient redoutables, ils seraient sanguinaires, des monstres assoiffés de sang, etc.
Et en fait, ce sont les acteurs qui nous y font croire (sans les montrer) ! Ils arrivent, par leur jeu d'acteur, à convaincre le public (sans que ce public voie le moindre détails) ! Trop fort...

Anonyme a dit…

Vous touchez là le sujet de la quasi-totalité des films traitant de guerres zt tournés par les ressortissants d'un des protagonistes, et pour un public de l'un des protagonistes. (au moins)
Comme vous le faites constater, les films traitant du Vietnam, pour les plus contestataires d'entre eux, montraient surtout le mal causé aux soldats américains. Il en va de même des films français traitant de l'Indochine ou de l'Algérie, mais aussi des films russes paralnt de l'Afghanistan.
Ces films, dans leurs effets les plus pervers, ont créé un romantisme de la guerre coloniale, une sorte de démonstration de rebellion individuelle au sein même de l'institution la plus conformiste, l'armée.
Leurs effets les plus positifs furnt peut être, chez certains spectateurs, le dégout de la guerre elle même.

mais il n'en reste pas moins que ces films, pour la plupart, relatent des guerres coloniales, des guerres injustes par essence. Le crime originel n'est que rarement montré, évoqué, il n'est qu'une cause de la trame principale, la souffrance de l'individu ou du groupe comme "abandonné" par leurs frères, leurs concitoyens. Ces films ne contestent que cela, ne dénoncent que cet abandon et ses conséquences. Les victimes, les vraies victimes, algériennes, vietnamiennes, afghanes, palestiniennes, ne sont pas les "destinataires" de tels films.

C'est (aussi)pour cela que malgré "apocalypse now" ou d'autres, une grande partie de la jeunesse américaine s'est embarquée dans l'aventure irakienne.
Leur culture actuelle est pour une grande part faite de films et de téléfilms, et si l'on considère que les volontaires d'aujourd'hui avaient 15 ans lors de l'invasion de l'Irak, 13 lors de celle de l'Afghanistan, on peut imaginer comment se forge leur image de ces conflits.
Il en va de même pour les jeunes israéliens confrontés aux visions véhiculées par la plus grande partie des médias, ou des artistes.

Anonyme a dit…

Vu le temps qu'il a fallut aux réalisateurs européens ou états-uniens, pour commencer à montrer le soldat et le civil allemand (La Chute, Joyeux Noël...) ou japonnais (Lettre d'Iwo Jima, Furyo) lors des premières et secondes guerres mondiale, je ne pense pas qu'il faille trop en demander au cinéastes Israëliens... embourbé qu'ils sont dans leur tragique actualité.
Néanmoins, les critiques de cinéma de nos pays n'ont rien à voir dans ce conflit; ils pourraient donc se permettre l'analyse que vous nous livrez.
A mon humble avis, c'est là le point le plus intéressant de votre article, celui qui laisse le plus perplexe.
Merci de le soulever.

Anonyme a dit…

Bonjour,
Je n'ai pas vu le film, donc ce serait difficile de vous repondre directement.
Je vous repondrai donc indirectement.
Pour qui connait un tout petit la realite israelienne, (pour parler comme vous qui aimez tant ce mot), c'est une rodommontade que de savoir que la vision de l'histoire nationale la plus courante est pour le moins discutable. La "nouvelle histoire israelienne" date pourtant de 20 ans environ. Ainsi que les debats, sutout dans le monde intellectuel et mediatique, qui ont suivi, et qui nourrissent tant de querelles au sein des redactions et des universites. Mais sans vouloir idealiser une activite intellectuelle et reflexive nationale, il serait tout de meme injuste que de penser ou faire penser aux gens qu'il n'existe aucune reflexion sur l'histoire nationale.
L'histoire de la guerre de 1948 de Palestine/Israel (et des guerres qui ont suivi dans la region) est a discuter.
Mais pour activer la discussion, pourquoi user d'un concept aussi stigmatisant que celui de "negationniste". Entendons-nous. Je ne conteste pas la valeur et l'interet de critiquer, discuter et revoir dans ses fondements y compris, l'histoire de la region. Ainsi d'ailleurs que l'histoire des pays anciennement colonises, tels le Vietnam, l'Algerie, l'Afrique noire, l'Amerique Latine etc. Cela dit, et c'est surement ce qui me fait tiquer legerement, l'histoire coloniale est truffee de polemiques et partis pris qui rendent tres difficiles des debats sereins et des discussion veritables possibles. Et donc de construire une verite historique. C'est pourquoi je critique l'usage fait dans ce blog, (ainsi que dans quasiement TOUS les textes militants traitant du Proche-Orient), de ce vocable polemique et infamant entre tous que serait le "negationnisme" israelien. Comme si le retournement des termes et des culpabilites, (Genocide fait par les Israeliens, camp de concentration pour parler Gaza, negationnisme pour parler de l'histoire, etc.), comme si l'inversion entre victimes (selon la tradition moderne post-45, les victimes ce sont les Juifs, des Nazis generalement, et les Israeliens recuperent sans scrupule ce legs victimaire, en fait surtout depuis les annees 1960, cf. Tom Segev) et bourreaux, serait un bienfait pour la justice et la verite. Quelle drole d'idee vraiment? Comme si faire souffrir l'autre est le remede aux souffrances de ceux qu'on defend (nous, ou les pauvres victimes...). Soudain ce sont les Palestiniens les Juifs (ou victimes, mais c'est pareil, cela veut dire la meme chose, les Juifs, victimes, bourreaux, apres tout, tout le monde s'en fout n'est-ce pas?) de la periode post-45, et les Juifs les Nazis en fait. Vlan, prends ca, sale Juif! Pas vrai?
Je ne veux pas dire que tout individu critique de la politique israelienne pense cela, tant s'en faut, bien heureusement. Mais la polarisation des positions politiques est telle aujourd'hui, que je crois que le veritable courage politique consiste bien plus a creer des discussions rationnelles et des critiques rationnelles, se basant sur des arguments et des faits verifiables dont on peut convenir en commun de la verite et de la faussete, et non dans la stigmatisation de l'adversaire et la denonciation infamante de l'autre.
Ainsi, c'est tres possible que ce film, "Beaufort", nie en grande partie la realite de la guerre de 1948, je vous le concede par ignorance, a vrai dire. Mais voyons, pourquoi utiliser un tel terme pour dire cela. Le "negationnisme", jusqu'a nouvel ordre, est la contestation, la negation, de la realite historique du Genocide nazi envers les Juifs d'Europe(et les Tsiganes, les opposants politiques au nazisme, les resistants des pays occupes par les Allemands, surtout des Russes et des Polonais).
Si vous voulez, avec d'autres, redefinir ce terme, pourquoi pas? Mais vous conviendrez en toute bonne foi, que vous marchez en terrain mine, et c'est tout de meme votre choix.
Cependant, et malgre l'apparente vigueur de ma critique, je ne voudrais surtout pas jouer les meres la vertue ou les donneurs de lecon. A vrai dire, j'apprecie d'habitude votre blog, que je trouve de bonne tenue, argumente, justement, et recherchant des faits. Meme l'objet, le Proche-Orient et ce pays de souffrances et convulsions, en plus de tant de beautes, qu'est le Liban, n'est assurement pas de tout repos, et relativement impermeable a la justice et a la verite.
Bon courage,
Sans rancune.
Saluatations d'un Juif a peu pres international qui se voudrait universaliste malgre la difficulte de la tache dans notre beau monde contemporain.

Anonyme a dit…

D'un autre cote, pourquoi ne pas victimiser l'agresseur? Je ne parle pas des politique, mais des troufions de base. L'armee Israelienne est une armee de conscription, non? Comme l'etait l'armee US au Vietnam. Et l'armée Francaise en Algerie. Donc je ne pense pas que, simplement de part le fait d'être la ou ils n'ont pas eu le choix de ne pas aller (parce que c'est grosso modo le cas, le choix, c'est facile d'en parler vu d'Europe, mais le faire c'est une autre question), on peut mépriser toute détresse des agresseurs. Le potentiel pour le développement d'un sentiment de révolte, voire carrément révolutionnaire, se justifie même parmi les agresseurs, a mon avis (bon, je ne suis pas historien alors ca se discute).

Par ailleurs, comme indique dans les commentaires, la propagande et l'embrigadement a des fins politiques fonctionne des deux cote, et crée en soit bien plus de victimes que la simple appartenance a une nation, ou a un groupe religieux quelconque.

Nidal a dit…

@universaliste: il faudrait lire mon billet avant de me reprocher, à mon tour, de recourir à une généralisation banale. Beaufort ne parle pas de la nakba de 1948, mais du retrait israélien du Liban de 2000.

L'occupation du Liban sud n'est pas un grand mystère, pas plus que la guerre de 2006. Je constate donc simplement que sur ce sujet également, un film «qui a fait polémique en Israël», qualifié de «juste» par nos critiques unanimes, est un film qui réinvente l'histoire.

Anonyme a dit…

salut Nidal!
j imagine que j en aurais pense autant si j avais vu ce film. Mais il se trouve que je souscris a la campagne de boycott Desinvestissment et Sanction contre Israel, et en appliquant le boycott culturel en l occurence, je m epargne ce genre de negationnisme, ni tres nouveau, ni etonnant dans des productions israeliennes. Hormis qqs realisateurs independants connus pour etre anti-sionistes (moghrabi, sivan), je boycott tous les film israeliens et bien sur les festivals israeliens... A quoi bon? Franchement...
Tu n as jamais parle du boycott ici, je sais que tu analyses sans prendre des positions politiques, mais c'est juste une piste pour les autres lecteurs... pour plus d infos: http://tadamon.resist.ca/index.php/campaigns/boycott-divestment-and-sanctions-against-israeli-apartheid/boycott-culturel-contre-lapartheid-israelien

Nidal a dit…

@Johanna

Wikipedia:

« Par extension, le terme est régulièrement employé pour désigner la négation, la contestation ou la minimisation d'autres crimes historiques. Ce fut le cas pour le génocide arménien par le gouvernement Jeunes-Turcs de l'Empire ottoman pendant la Première Guerre mondiale, le massacre de Nankin perpétré par l'armée impériale japonaise, le génocide au Rwanda, les massacres pratiqués par les Khmers rouges au Cambodge, des massacres coloniaux...

La question se pose pourtant de définir une limite claire entre la notion de «contestation de crimes historiques» et celle de «négationnisme». La démarche négationniste a ceci de particulier qu'elle use d'une méthodologie partiale et malhonnête, opérant la sélection, la dissimulation, le détournement ou la destruction d'informations corroborant l'existence du crime (voire la création de fausses preuves «impliquant» l'inexistence des évènements passés). On peut légitimement parler de négationnisme lorsque de telles méthodes sont employées, lorsque les motivations ne sont pas exclusivement la recherche de la factualité historique (motivation antisémite, partisane; voir la partie motivations des négationnistes) et lorsque les faits contestés ont été indubitablement établis.»

Marcel Dubois a dit…

Il est si fréquent, pas seulement chez les militants anti-impérialistes et/ou pro-palestiniens, de trouver des incohérences relativement absurdes, à mes yeux, et par exemple de voir des gens traiter en terroristes, en vrac: les Israeliens, les Américains, des gouvernements de droite dans les traitements de mouvements sociaux, des polices, des militaires, et en revanche d'essayer de justifier, ou de donner de bonnes raisons (mais à un point qui serait tout à fait inacceptable pour les "terroristes" israeliens, américains etc.), en vrac: les Farc de Colombie, les guerrillas d'Amérique Latine en général des années 1960-70, le régime des Sandinistes au Nicaragua, le régime de Cuba depuis que Fidel Castro a pris le pouvoir, ou encore au choix, la Russie (les dénonciations contre elle principalement vues comme compagne américaine, la Chine, également vue comme campagne des "Occidentaux", etc. etc.

Et en quoi ce n'est pas une campagne des occidentaux ? Tous les journaux de tous les pays Occidentaux écrivent des éditoriaux qui disent la même chose. Ca ne ressemble vraiment pas à une campagne ?

Je ne crois pas que qui que ce soit ait traité un gouvernement de droite de 'terroriste'. De fasciste, sans doute oui. Et le gouvernement Français est bien un gouvernement fasciste en gestation. La loi Dati le prouve.

Ensuite, il y a une différence entre expliquer/comprendre et justifier. Certainement vous avez pu lire des justifications qui se réclamaient de l'anti-impérialisme, mais n'avez-vous pas pensé à la possibilité que la source était tout simplement communiste, et sympathisait donc avec les actions des régimes et groupes que vous avez cités ?

Israël est bien un état terroriste, en ce qu'il tue des innocents pour soumettre la population palestinienne par la peur. Les tirs de missiles, les assassinats ciblés ne sont rien en comparaison de tous les civils qui sont morts.

L'Amérique est également un état terroriste. Il suffit de lire son histoire, le meurtre des innocents pour semer la peur y est quasiment omniprésent. Le siège de Fallujah, bien après que les rebelles se soit enfuis, en est l'exemple le plus flagrant.

D'ailleurs, à ce titre, il y a peu d'Etats qui ne se soient pas livrés au terrorisme à un moment ou à un autre de leur histoire, même si on se limite à l'histoire récente.

Seul le pacifisme est propre. Tout le reste, tous les autres idéaux, liberté, égalité, fraternité, civilisation, démocratie, religion, tous sont couverts de sang.

Ce que Johanna ne semble pas comprendre, c'est qu'Israël et l'Amérique se prétendent les meilleurs pays du monde, des paragons de vertu, de la même manière que les terroristes d'Al Qaida qui prétendent agir au nom de Dieu.

Il est donc important de piquer ces bulles d'arrogance, de les faire éclater pour que la réalité sanglante nous éclabousse enfin comme elle aurait dû le faire il y a longtemps de cela. Pour qu'on puisse enfin s'en laver.

Et ce n'est pas en adoptant des mesures mollassonnes comme semble le désirer Johanna, ou en s'alliant avec un des camps du meurtre organisé comme le désirent les atlantistes, qu'on va mettre un terme à tout ça.

Nidal a dit…

@Johanna

«Mais la polarisation des positions politiques est telle aujourd'hui, que je crois que le veritable courage politique consiste bien plus a creer des discussions rationnelles et des critiques rationnelles, se basant sur des arguments et des faits verifiables dont on peut convenir en commun de la verite et de la faussete, et non dans la stigmatisation de l'adversaire et la denonciation infamante de l'autre.»

Mais vous me dites dans le message suivant: «ce qui s'est passé durant l'évacuation du Liban Sud par l'armée israelienne me semblait (avant de vous lire) un épisode un peu honteux pour mon pays, mais de facon vague, sans savoir tout ce que que vous apportez dans ce billet par exemple. Et vous en remercie beaucoup.»

Tout cela en vous présentant comme «historien».

Alors il faudrait être un peu sérieux:

- on peut toujours prétendre qu'il a fallut attendre les travaux de l'école révisionniste israélienne (ou «nouveaux historiens») pour découvrir ce que ce que racontaient depuis 1948 plusieurs centaines de milliers de Palestiniens était vrai;

- les exactions israéliennes au Liban (et pas seulement au Liban sud) ont été documentées en temps réel; il n'est pas besoin d'attendre une nouvelle génération d'historiens israéliens pour découvrir que c'est vrai;

- il existe une foule de livres et de sites pro-palestiniens, beaucoup sont accessibles en ligne, et ils sont invraisemblablement documentés;

- bref: renseignez-vous. «Anti-sioniste» n'est pas une attitude romantique basée sur des «sentiments» (dont le principal serait un sentiment anti-juifs, ce qui est hors de propos; vous avez tout de même résumé mon propos ainsi: «Vlan, prends ca, sale Juif! Pas vrai?»): la documentation des «faits» est disponible librement à tout un chacun.

– vous citez Jabotinsky (le mur de fer), et là aussi je pense qu'il faut cesser de croire qu'il s'agit d'un problème de racisme ou de «sionisme de droite» contre «sionisme de gauche». J'ai déjà livré un long commentaire sur Jabotinsky dans ce blog:

«Il me semble important de remarquer que, dans ce texte, il n'y a trace ni de propagande (Jabotinsky dénonce ceux qui voudraient tenter de manipuler les arabes par des mensonges ou des fausses promesses), ni de racisme anti-arabe (le foyer juif doit s'approprier des terres en Palestine, car tel est l'objectif du mouvement sioniste, sur lesquelles se trouvent les arabes, mais à aucun moment il ne disqualifie la légitimité arabe sur ces terres, ni sur des critères historiques ni sur des comparaisons de «valeur» intrinsèque des peuples). Rien à voir avec des slogans tels que «une terre sans peuple pour un peuple sans terre», qui nient l'existence des Palestiniens; il décrit simplement deux intérêts antagonistes, chacun légitime, sur la même terre et se propose d'y répondre par la force. C'est, simplement, cynique.

La décision prise, la propagande se met en marche (a posteriori): les Palestiniens disparaissent de l'histoire de cette terre, et de toute façon leur diabolisation rend leurs droits inférieurs à ceux du foyer juif. Sans cette propagande, il est impossible pour des nations ou des peuples se prétendant démocratiques et se reconnaissant des aspirations élevées, de mener des actions violentes de prédation. Intéressons-nous rapidement à l'auto-alimentation de cette propagande.

Au départ, il y a la décision pure et simple de coloniser une terre. Par exemple la France du XIXe siècle se lance dans la conquête de l'Afrique du Nord; un large éventail d'intérêts objectifs justifient cette conquête soutenue par un parti colonial souvent explicite. Mais rapidement, il est impossible pour la France-pays-de-la-Révolution (ou de-la-charité-chrétienne) de se percevoir, elle-même, comme un prédateur. Se développe donc un vigoureux travail de propagande, et au bout d'un siècle, bien rares sont ceux, intellectuels, politiques, citoyens, de droite comme de gauche, qui n'adhèrent pas, au moins un peu, à l'idée de la «mission civilisatrice de la France» au Maghreb. Lorsque l'armée française torture en Algérie, ils sont bien peu nombreux en Métropole à ne pas croire que la France défend sincèrement les intérêts des Algériens. Jusqu'à croire qu'il est encore indispensable aujourd'hui de présenter «les aspects positifs de la présence française» à nos chères têtes blondes.

Partant d'un simple constat objectif et cynique («nous voulons cette terre, nous voulons ces ressources...»), il faut immédiatement développer une intense propagande permettant de justifier la prédation de la part de peuples qui s'identifient eux-mêmes comme ayant des valeurs morales élevées. Au fur et à mesure du temps, cette propagande dépasse le statut de propagande: elle n'est plus seulement un mensonge cynique masquant la réalité de l'occupation, surcouche ajoutée à une politique à laquelle il est encore possible de s'opposer; elle devient par auto-intoxication l'unique cadre de pensée duquel il n'est plus possible de sortir; l'occupation signant alors la déchéance morale complète de la puissance occupante.»

Nidal a dit…

Pour continuer sur les «Nouveaux historiens» et Jabotinsky, il me semble intéressant d'indiquer que, parmi ces historiens, il en est au moins un, Benny Morris, qui, tout en ayant «révélé» le nettoyage ethnique, adopte très exactement la position de Jabotinsky:

«There are circumstances in history that justify ethnic cleansing. I know that this term is completely negative in the discourse of the 21st century, but when the choice is between ethnic cleansing and genocide — the annihilation of your people — I prefer ethnic cleansing.

[...]

That was the situation. That is what Zionism faced. A Jewish state would not have come into being without the uprooting of 700,000 Palestinians. Therefore it was necessary to uproot them. There was no choice but to expel that population. It was necessary to cleanse the hinterland and cleanse the border areas and cleanse the main roads. It was necessary to cleanse the villages from which our convoys and our settlements were fired on.»

Encore une fois, il est contreproductif de se baser sur des postures «romantiques», surtout en demandant encore et toujours à «s'entendre sur les faits» et à «dépolariser le débat politique».

Benny Morris expose des faits, et les justifie avec un cynisme absolu, tout comme Jabotinsky avant lui.

Pour revenir au sujet de mon billet: au contraire, Beaufort occulte absolument tous les faits derrière un discours convenu et pseudo-humaniste, et nos chroniqueurs trouvent qu'il s'agit d'un film «juste» et on prétend que ça aurait fait débat en Israël (mais débat sur quoi, puisque le film ne montre, justement, absolument rien de la guerre qu'il prétend montrer?).

D'où ce paradoxe qui me semble fondamental: il est plus facile de «discuter», voire de progresser vers la paix, sur la base des écrits de Jabotinsky ou des déclarations de Benny Morris, thuriféraires de la guerre permanente, que sur la base d'un pseudo-pacifisme fondé sur le négationnisme d'un film comme Beaufort.

Anonyme a dit…

@Nidal

Bonjour,

Juste un petit commentaire sur votre commentaire, puisque je n'ai pas vu le film. N'êtes-vous pas un peu dur, quoique je comprenne vos réserves? Ce film, comme tant d'autres que vous évoquez, n'est-il pas l'illustration parfaite de la difficulté, voire de l'impossibilité, de la nécessaire autocritique, laquelle n'est présente ni chez eux, ni, hélas, chez nous?

Tahar.

Anonyme a dit…

Bonjour,
si je puis me permettre un petit commentaire d'un commentaire du commentaire, sur ce que dit Tahar.
Je dirais que non seulement "la difficulté et même parfois l'impossibilité de la nécessaire autocritique ne se voit pas souvent chez eux comme chez nous", mais en plus certaines autocritiques ont pu voir le jour dans chacun des deux camps a des prix eleves. Je ne citerai que Edward Said par exemple comme Palestinien, et Ilan Pappe comme Israelien. L'un a du payer tres cher ses prises de position ant-arafat et anti-oslo et anti-hamas mais restant de maniere acharnee pro-paix. Le prix de la verite ici n'est certainement pas le cynisme, mais plutot l'insoutenable isolement conterproductif et heroique pour l'avenir. L'autre doit quitter son pays et continue de souffrir le prix infamant de la trahison nationale.

Asher

Anonyme a dit…

@Asher

Merci d'avoir évoqué cette grande figure que fut E. Said, auquel je pensais, ainsi qu'à A. Khatibi ou M.Arkoun, en écrivant "la difficulté, voire l'impossibilité,...". Hélas, ils ne sont pas légion, en tout cas "chez nous".

Tahar.

Anonyme a dit…

Salut!
je reviens sur le boycott. Je le soutiens parce qu il a ete lancé par les Palestiniens, qui en effet, savent que ca peut leur nuire et sont pres a ce sacrifice (http://www.ism-france.org/news/article.php?id=3191&type=communique&lesujet=Boycott). La lutte palestinienne et la solidarité internationale ont pris plusieurs formes depuis 60 ans. Je crois que le boycott a beaucoup de sens dans ce cas la. Parce que ca permet de cesser de traiter Israel comme un Etat 'democratique', et de celebrer ces 60 ans d existence par exemple. Etant historienne johanna, j imagine que la nature coloniale et exclusive de l Etat d Israel depuis sa creation ne vous a pas echappé. Je suis pour le dialogue, mais il faut etre deux pour dialoguer... Tant que les 70 resolutions onusiennes qu Israel viole ne seront pas respectees, c'est quand meme un peu difficile. d autre part, le mouvement BDS (boycott, desinvetsissment et sanctions) est une strategie a l echelle internationale, unitaire, afin que les mouvements de solidarité se coordonnent, que des ponts soient crees avec les syndicats, les eglises, les organisations en tous genre. La campagne BDS est soutenue par beaucoup d anciens combattants contre l apartheid en afrique du sud, et aussi par d autres. en GB c'est une campagne qui a deja gagné beaucoup de victoires et de soutiens. Je pense que le BDS n'est pas une fin en soi mais une strategie efficace pour pousser l'analyse concernant les mefaits de l apartheid israelien et permet de mettre pression sur les entreprises complices de cet apartheid et de pousser les politiques a se positionner. Voila. apres libre a chacun d y souscrire ou pas. les anti-sionistes israeliens tels Ilan Pape soutiennent a fond la campagne de boycott et savent qu'ils sont boycottes (et l acceptent) s ils sont produits par des institutions israeliennes. je crois qu au contraire, le boycott permet aux israeliens qui refusent l occupation de se demarquer, de faire de la production independante et d eviter la propagande d etat.

Anonyme a dit…

Salut Doud,
En effet tu defends tres bien ta cause et l'action que tu soutiens. A vrai dire je n'etais pas au courant d'une telle proportion. Il est vrai que les medias traditionnels ne repandent pas beaucoup ces informations, et que je ne suis pas un lecteur tres assidue de publications alternatives, bien qu'occasionnel, comme tu le vois.
Je comprends tres bien tel que tu l'expliques le bien-fonde du boycott.
Mais a travers la petite lunette que m'as ouverte, je ne vois pour l'instant qu'une raison essentiellement symbolique. Tu me diras que la raison symbolique est souvent a l'origine d'actions solidaires qui ouvrent de veritables perspectives pour le changement. Je le souhaite tres sincerement.
Ainsi, "doud", je souhaite que ce boycott aujourd'hui surtout (a mes yeux) si symbolique du aux 60 ans apres le 14 mai 1948, arrive a creer une action pour alerter reellement l'opinion publique dans l'espoir d'un changement democratique. Je suis tout a fait d'accord sur ce point, qu'Israel ne peut continuer d'etre considerer un Etat democratique sachant le nombre de libertes et de droits qu'il viole et a viole, etc.
Et, pour etre en fin serieux (comme me le suggerait "nidal", je vais certainement rejoindre la campagne (bien que je sois un pietre militant). Mais imparfaitement, car je crois que j'essaierai de voir "Beaufort", ne serait-ce que pour voir dans quelle mesure le jugement de "nidal" est un peu severe ou simplement juste.
Mais aussi parce que je continuerai de lire des romans israeliens, des films, des essais etc. Ne serait-ce que savoir a quel point on peut les critiquer, ou travailler avec.
Vive l'Afrique du Sud!

Anonyme a dit…

Bonjour Nidal,

Commentaire de quelqu'un qui a vu le film! Contrairement à toi, je ne qualifierais pas ce film de négationniste. Bien sûr, le film ne traite pas du tout des dégâts sur la population du sud Liban. Mais pour moi, ce n'est pas par négationnisme, mais plutôt parce que ce n'est pas le sujet. Le sujet du film est à mon avis l'absurdité de la guerre. Des gens viennent, et 18 ans après, il repartent. En attendant, il y a eu des morts, des jeunesses détruites...des deux côtés, bien sûr, mais pour les victimes (les libanais), cela n'a rien d'absurde. Ils se défendent. Par contre l'absurdité est beaucoup plus présente du côté des Israéliens qui auraient pu l'éviter. Et c'est pour moi ce que dénonce le film. Et qui serait déforcé ou masqué si l'accent était mis sur les véritables victimes de ce conflit. Juste une opinion comme une autre d'une fille qui n'est ni juive, ni historienne, et en aucun cas spécialiste de ce conflit.