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17 novembre 2008

Sarkozy, auto-portrait en César

Ce dimanche, Claude Asko et son JDD présentent Sarko comme le nouveau génie bienfaiteur de notre planète. La légende (l'immense Georges donne l'accolade au petit Nicolas) de l'illustration est trop mignonne: «Parmi les dirigeants des pays les plus puissants du monde, Nicolas Sarkozy a imposé son style.» Lire les commentaires d'Article 11 et d'André Gunthert (à noter: illustration géniale).

Une dépêche de l'AFP semble pourtant être passée inaperçue il y a quelques jours (13 novembre). Recevant à l'Élysée le «prix du courage politique» décerné par le revue Politique internationale, Sarkozy semble s'être surpassé pour s'auto-parodier. Il devient difficile, même pour Asko, d'écrire des éditoriaux atteignant le niveau de ridicule de notre président lui-même.

Le président français Nicolas Sarkozy a vanté jeudi sa politique étrangère qui a permis, selon lui, d'éviter une offensive militaire russe sur Tbilissi, en finir avec la «guerre au Liban», libérer les infirmières bulgares en Libye et Ingrid Betancourt de la jungle colombienne.

Il a écorché au passage la prudence du président américain George W. Bush dans la crise russo-géorgienne, en recevant à l'Elysée l'édition 2008 du «prix du courage politique» décerné par la revue Politique internationale.

«Lorsque le 8 août, il a fallu partir pour Moscou et pour Tbilissi, qui a défendu les droits de l'Homme?», a demandé M. Sarkozy.

«Est-ce que c'est le président des Etats-Unis qui a dit “c'est inadmissible”? Ou est-ce que c'est la France qui a maintenu le dialogue avec M. Poutine, M. Medvedev et M. Saakachvili?», a-t-il poursuivi, à la veille de son départ pour le sommet du G20 sur la crise financière à Washington.

«Je me souviens de l'appel du président américain disant la veille de notre départ à Moscou: “n'y va pas, ils (les Russes) veulent aller à Tbilissi, ils sont à 40 km. N'y va pas, dénonce”. Nous y avons été avec Bernard Kouchner, comme par hasard, alors que nous y étions, le cessez-le-feu a été annoncé», a ajouté le chef de l'Etat français.

Quelques jours après le début du conflit militaire entre la Russie et la Géorgie, le président en exercice de l'Union européenne (UE) s'est rendu le 12 août à Moscou et à Tbilissi pour y négocier un plan de paix et un cessez-le-feu accepté dans la foulée par les deux belligérants.

Certains critiques, notamment parmi les pays européens de l'Est membres de l'UE, ont estimé que ce plan faisait la part belle à la Russie et regretté qu'il ne défende pas explicitement l'intégrité territoriale de la Géorgie.

Le président géorgien Mikheïl Saakachvili a aussi égratigné jeudi Nicolas Sarkozy en lui demandant, quelques heures avant un entretien prévu dans l'après-midi à la veille d'un sommet UE-Russie à Nice, de «garder des principes» et de ne pas céder à la «realpolitik».

Nicolas Sarkozy a tout aussi fermement rejeté les critiques sur d'autres dossiers internationaux.

«Si n'avions pas pris le risque de la paix et des droits des Libanais à vivre libres en invitant Bachar al-Assad, ce serait toujours la guerre au Liban», a-t-il lancé à ceux qui lui ont reproché d'avoir invité le numéro un syrien à Paris puis de s'être rendu à Damas.

«J'avais promis pendant ma campagne électorale qu'on libérerait les infirmières (bulgares détenues par la Libye). C'est la France qui les a libérées. Est-ce que vous croyez qu'on peut faire sortir de prison quelqu'un sans parler avec les geôliers?», a poursuivi Nicolas Sarkozy pour justifier son déplacement à Tripoli chez le numéro un libyen Mouammar Kadhafi.

À la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien en juillet 2007, certains avaient reproché au président français de s'être approprié les lauriers de ce succès en minimisant les efforts d'autres pays de l'UE.

«Est-ce qu'il y avait une chance de la sortir si la France n'avait pas fait d'Ingrid Betancourt un objectif central de sa politique? Aucune», a enfin lâché Nicolas Sarkozy.

07 novembre 2008

Faute de pire

Tout le monde n'est pas baba de bonheur suite à l'élection d'Obama. Et non, je ne dis pas ça parce que certains Français bien en vue aiment soudainement les noirs. Et ça n'est pas parce que ça aurait (peut-être) été pire avec McCain qu'Obama devrait susciter un aussi formidable espoir.

En juin dernier, le discours d'Obama devant l'AIPC m'avait sidéré («L'AIPAC crie, Obama aboie»). Quelques jours avant l'élection, Bakchich a publié deux articles particulièrement inquiétants concernant le cercle le plus proche d'Obama, Rahm Emanuel et Denis Ross: «“Rahm-bo” futur dir'cab de Barack Obama» et «Le principal conseiller d'Obama est un faucon anti-Iran». Revenant sur le choix de Rahm Emanuel, Alain Gresh, inquiet, préfère attendre avant de se faire une opinion.

Un participant au forum du blog de Gresh signale par ailleurs un article décrivant les liens de cette équipe avec les grandes boîtes de la finance: «Rahm Emanuel: Wall Street's man in the White house»:

Goldman Sachs and JP Morgan are also in Emanuel’s top-five career sources of campaign cash. As reported by the Center for Responsive Politics, Emanuel received more money from the securities and investment industry—$600,500 as of September 30—than did any other member of the U.S. House, and more than two presidential candidates (including Joe Biden) and the chairman of the Senate Finance Committee.
Angry Arab, dès le 5 novembre, annonce qu'il va désormais se consacrer à l'«Obama bashing»:
À ceux qui ont soutenu Obama: vous allez être déçus et vous vous souviendrez de mon avertissement. Souvenez-vous en quand Obama approuvera une guerre israélienne contre un camp de réfugiés et contre un village du Liban, et qu'il qualifiera cela d'auto-défense. Souvenez-vous de moi lorsqu'Obama pleurera la mort d'Israéliens et célébrera la mort d'arabes et de musulmans. Souvenez-vous en quand il ordonnera la première campagne de bombardement contre un zone isolée du Pakistan. Souvenez-vous en quand il trahira les pauvres au profit de Wall Street. Souvenez-vous en quand il trahira les aspirations des noirs au profit de la classe moyenne blanche qui est maintenant le principal souci du parti démocrate. Souvenez-vous en quand Obama ne se battra pas pour son plan de réforme de la santé et qu'il ne réalisera aucune de ses promesses. Souvenez-vous en quand il respectera sa promesse de campagne de s'opposer au mariage gay. Souvenez-vous en quand il continuera à mettre l'échec de l'occupation américaine en Irak sur le dos du peuple irakien lui-même.
Tiens, et je me souviens que j'ai déjà évoqué Joseph Biden ici (septembre 2007), au sujet de sa volonté de résoudre la guerre en Irak en proposant un plan de partition de l'Irak, parachevant ainsi l'œuvre des néo-conservateurs.

Un texte me semble résumer beaucoup des inquiétudes que l'on peut légitimement avoir suite à l'élection. Il s'agit d'un texte publié par Ralph Nader (qui a financé sa campagne, je le rappelle, en vendant la recette du Houmous de sa mère) le jour même de l'élection: «An Open Letter to Barrack Obama, Between Hope and Reality». Je vous livre ici une traduction maison (les liens hypertexte sont de mon fait, ils ne figurent pas dans la version originale):
Cher sénateur Obama,

Pendant les presque deux années de votre campagne présidentielle, les mots «espoir et changement», «changement et espoir» ont été votre slogan. Cependant, il y a une grande différence entre ces objectifs et votre propre personnage politique, personnage qui succombe aux groupes de pression qui ne veulent ni «changement» ni «espoir», mais seulement le maintien d'un status quo dans la répartition des pouvoirs.

Bien plus que le sénateur McCain, vous avez reçu des contributions énormes et sans précédent de la part des intérêts des entreprises, de Wall Street et, plus intéressant encore, des cabinets d'avocats du droit des affaires. Jamais auparavant un candidat démocrate n'était parvenu à une telle suprématie sur son opposant républicain. Pourquoi, en dehors de votre soutien inconditionnel au plan de sauvetage de Wall Street à hauteur de 700 milliards de dollars, est-ce que les grandes entreprises ont autant investi sur le sénateur Obama? Serait-ce parce que vos états de service en tant que sénateur de votre État, au Sénat américain et lors de votre campagne présidentielle (en faveur de l'énergie nucléaire, des usines à charbon, des forage offshore, des subventions aux entreprises - dont le «1872 Mining Act» - et évitant tout programme d'envergure pour combattre la vague de crimes économiques et limiter un budget militaire pharaonique et inutile, par exemple) ont déjà prouvé que vous étiez leur homme?

Pour faire avancer le changement et l'espoir, il faut une personnalité présidentielle qui ait du caractère, du courage, de l'intégrité - pas de la connivence, de l'accommodement et de l'opportunisme à courte-vue. Prenez, par exemple, votre transformation d'un défenseur éloquent des droits des Palestiniens, à Chicago avant que vous ne vous présentiez au Sénat, en un acolyte, un pantin du lobby extrémiste de l'AIPAC, qui soutient l'oppression militaire, l'occupation, le blocus, la colonisation et la confiscation de l'eau, depuis des années, contre le peuple palestinien et leurs territoires réduits de Cisjordanie et Gaza. Eric Alterman a résumé plusieurs sondages en décembre 2007 dans un numéro de The Nation, montrant que les positions de l'AIPAC sont rejetées par la majorité des juifs américains.

Vous savez très bien que c'est seulement quand le gouvernement des États-Unis soutient les mouvements de la paix israéliens et palestiniens, ce qui a conduit il y a quelques années à une solution détaillée à deux États (qui est soutenue par une majorité d'israéliens et de Palestiniens), qu'il y aura une possibilité de résolution pacifique de ce conflit de plus de 60 ans. Malgré cela vous vous alignez avec les tenants de la ligne la plus dure, au point que dans votre discours infâme et humiliant à la convention de l'AIPAC, juste après votre nomination par le parti démocrate, vous soutenez une «Jérusalem indivisible» et vous vous opposez aux négociations avec le Hamas - le gouvernement élu à Gaza. Une fois encore, vous avez ignoré la volonté du peuple israélien qui, dans un sondage du 1er mars 2008 publié par le quotidien respecté Haaretz, montre qu'à 64% des israéliens étaient favorables à «des négociations directes avec la Hamas». S'aligner sur les plus durs de l'AIPAC, c'est ce qu'un des nombreux intellectuels palestiniens qui réclament le dialogue et la paix avec le peuple israélien a décrit ainsi: «L'antisémitisme aujourd'hui, c'est la persécution de la société palestinienne par l'État israélien.»

Durant votre voyage en Israël cet été, vous avez consacré à peine 45 minutes de votre temps aux Palestiniens, sans conférence de presse, et aucune visite dans un camp de réfugiés palestiniens qui aurait pu attirer l'attention des médias sur la brutalisation des Palestiniens. Votre séjour a soutenu le blocus cruel de la bande de Gaza, au mépris du droit international et de la Charte des Nations Unies. Vous vous êtes préoccupé des pertes dans le sud d'Israël, où les pertes de l'année dernière se sont élevées à une victime civile pour 400 victimes palestiniennes dans la bande de Gaza. Au lieu d'une prise de position politique qui aurait rejeté toutes les violences et leur remplacement par l'acceptation de la proposition de la Ligue arabe de 2002 qui permettrait un État palestinien viable dans les frontières de 1967 en échange du rétablissement de relations économiques et diplomatiques complètes entre les pays arabes et Israël, vous avez tenu le rôle d'un piètre politicien, laissant l'endroit et les Palestiniens avec un sentiment de choc et un peu de crainte («much shock and little awe»).

David Levy, un ancien négociateur de paix israélien, a décrit votre voyage succinctement: «Il y presque une démonstration volontaire de dédain pour le fait qu'il y a deux versions de l'histoire, ici. Cela peut le servir comme candidat, mais pas comme Président.»

Le commentateur américano-palestinien Ali Abunimah a noté qu'Obama n'a pas émis une seule critique d'Israël, «de sa poursuite de la construction de colonies et du mur, de ses barrages qui rendent la vie impossible à des millions de Palestiniens... Même l'administration Bush a récemment critiqué l'utilisation par Israël de bombes à fragmentation contre les civils libanais [lire www.atfl.org pour plus d'informations]. Mais Obama a défendu l'agression israélienne contre le Liban comme l'exercice de “son droit légitime à se défendre”».

Dans de nombreux éditoriaux, Gideon Levy, écrivant dans Haaretz, a fermement critiqué les agressions du gouvernement israélien contre les civils à Gaza, notamment les attaques «au cœur de camps de réfugiés surpeuplés... avec d'horribles bain de sang», au début de 2008.

L'auteur israélien et défenseur de la paix Uri Avnery a décrit le passage d'Obama devant l'AIPAC comme: «battant tous les records d'obséquiosité et de servilité», ajoutant qu'Obama «est prêt à sacrifier les intérêts américains les plus basiques. Après tout, c'est un intérêt vital pour les États-Unis d'arriver à une paix israélo-palestinienne, ce qui lui donnera le moyen de gagner le cœur des populations arabes, de l'Irak au Marc. Obama a nui à son image dans le monde musulman et a hypothéqué son avenir - s'il devient le président élu», expliquant encore: «Ce dont on peut être certain: les déclarations d'Obama à la conférence de l'AIPC sont très, très mauvaises pour la paix. Et ce qui est mauvais pour la paix est mauvais pour Israël, mauvais pour le monde et mauvais pour le peuple palestinien.»

Une autre illustration de votre manque de caractère est la façon dont vous avez tourné le dos aux américains musulmans dans ce pays. Vous avez refusé d'envoyer des représentants parler aux électeur lors des événements qu'ils ont organisés. Après avoir visité de nombreuses églises et synagogues, vous avez refusé de visiter une seule mosquée en Amérique. Même George W. Bush a visité la Grande mosquée de Washington DC après le 11 Septembre pour exprimer de nobles sentiments de tolérance devant un important groupe religieux d'innocents.

Bien que le New York Times a publié un grand article le 24 juin 2008 intitulé «Les électeurs musulmans détectent un camouflet de Obama» (signé Andrea Elliott), citant des exemples de votre aversion pour ces Américains qui viennent de tous les milieux, qui servent dans les forces armées et qui travaillent pour vivre le rêve américain. Trois jours plus tôt, l'International Herald Tribune a publié un article de Roger Cohen intitulé «Pourquoi Obama devrait se rendre dans une mosquée.» Aucun de ces commentaires et rapports n'a changé votre fanatisme politique contre les musulmans américains - même si votre père était un musulman du Kenya.

Rien n'a peut-être mieux illustré votre manque total de courage polique ou même une version allégée de ce trait de caractère que votre capitulation face aux demandes des tenants de la ligne dure pour interdire à l'ancien président Jimmy Carter de parler lors de la Convention nationale des démocrates. C'est une tradition pour les anciens présidents, et elle a été accordée en prime time à Bill Clinton cette année.

Voici un président qui a négocié la paix entre Israël et l'Égypte, mais son récent livre pressant la superpuissance israélienne dominante à éviter l'Apartheid des Palestiniens et à faire la paix a suffit à le mettre sur la touche. Au lieu d'un important discours à la nation par Jimmy Carter sur ce problème international, il a été relégué à une promenade à travers la scène sous un «tonnerre d'applaudissements,» à la suite de la diffusion d'un film sur le travail du Centre Carter après Katrina. Honte à vous, Barack Obama!

Mais votre comportement honteux s'est étendu à d'autres questions de la vie américaine. (Lire l'analyse factuelle par son co-listier, Matt Gonzalez, sur www.votenader.org.) Vous avez tourné votre dos aux 100 millions d'américains pauvres composés de blancs, d'afro-américains et de latinos pauvres. Vous avez toujous parlé d'aider la «classe moyenne», mais avez systématiquement oublié de mentionner les «pauvres» en Amérique.

Si vous étiez élu Président, il faut que cela soit plus qu'une ascension sociale sans précédent à la suite d'une campagne brillamment sans scrupules qui a parlé de «changement» tout en démontrant une obéissance objective à la concentration des pouvoirs dans les mains des «suprémacistes des grandes entreprises» («corporate supremacists»). Cela devrait être : rendre le pouvoir confisqué par quelques uns à tous. Cela devrait être une Maison Blanche présidée par un homme noir qui ne tourne pas le dos aux opprimés d'ici et d'ailleurs, mais affronte les forces de la cupidité, le contrôle dictatorial des travailleurs, des consommateurs et les contribuables, et la militarisation de la politique étrangère. Cela doit être une Maison Blanche qui transforme la politique américaine - en commençant par le financement public des élections (au travers d'une démarche volontariste) - et en permettant aux petits candidats d'avoir une chance d'être entendus dans les débats et dans la plénitude de leurs limités droits civiques actuellement limités. Appelez cela une démocratie compétitive.

Votre campagne présidentielle a montré encore et encore des prises de positions lâches. Certains disent qu'on ne peut tuer l'espoir («Hope springs eternal»). Sauf quand la «réalité» la consume chaque jour.

Sincèrement,
Ralph Nader,
3 novembre 2008

10 octobre 2008

Le Rrrizbollah aime le rrroumous

La grande actualité politique du monde me donne l'occasion de faire enfin ce billet que je voulais écrire depuis un moment...

«Touche pas à mon houmous, avertit le Liban» nous dit l'AFP:

«“Ce qui me révolte avec Israël c'est qu'ils commercialisent le houmous comme étant un produit traditionnel israélien alors qu'il est clair qu'il s'agit d'un produit libanais”, déclare Ramez Abi Nader, un membre de l'association.»
Faites le test, demandez à un libanais de vous dire «ce qui le révolte avec Israël», vous n'allez pas être déçu. Le Guardian trouve également l'affaire passionnante. Évidemment c'est idiot: certes le houmous n'est pas israélien, mais il n'est pas non plus libano-libanais. Rami Zurayk le rappelle aimablement: «Drop the chauvisinism.» Et je vous donne un lien vers l'Académie syrienne de gastronomie pour achever d'enquiquiner mes amis libanais.

Quand au taboulé, je dois malheureusement informer mes (rares) lecteurs libanais que, pour les Français, c'est une espèce de salade au couscous sans goût et sans saveur servie tiède dans un tupperware. Ça se mange, difficilement, en pique-nique agrémenté d'une tomate écrasée au fond du sac à dos, un œuf cuit dur et un sandwich dont la mayonnaise a coulé en dehors du papier-plastique. Et c'est rigoureusement impossible à échanger avec vos petits camarades dont la maman, moins soucieuse d'équilibre alimentaire, a garni le sac d'un grand paquet de Mars et de Milky Way.

Pour le baba ghanouge, une plaisanterie raconte qu'en Égypte, si une femme demande à son mari ce qu'il veut manger pendant la saison de l'aubergine, il a le droit de demander le divorce.

De toute façon, n'importe qui sait parfaitement que le meilleur houmous n'est ni libanais ni syrien ni palestinien: «le meilleur houmous, c'est celui de ma mère». Par exemple, pour Ralph Nader, hé bien, c'est celui de... devinez qui.

Cependant, ce qui est remarquable, c'est que les arabes prononcent «hhoumous» avec un «h» expiré, tandis que les israéliens le prononcent «rrroumous» avec un «r» roulé façon jota espagnole. Et c'est ça qui énerve vraiment les libanais. Passe encore que les israéliens aiment un plat libanais-palestinien-syrien-égyptien, mais qu'ils le prononcent «rrroumous» constitue le véritable outrage!

J'en arrive à ce sujet dont je voulais vous causer depuis un moment...

Savez-vous comment on peut reconnaître un journaliste qui vient soit de se faire expliquer le danger islamiste, la dhimmitude et l'Eurabia par l'ambassadeur d'Israël à Paris, soit de trouver l'inspiration après plusieurs heures de visionnage de Guysen TV? C'est très simple, et il n'est pas nécessaire de recourir à une théorie du complot trop compliquée. Ce journaliste se reconnaît aisément: il dit «Rrrezbollah» (ou, pire, «Rrrizbollah») et «Rrramas», au lieu de «Hhezbollah» («h» expiré) et «Hhamas» (même «h» expiré).

Cette lettre n'est pourtant pas difficile à prononcer. Comme l'explique le père André d'Alverny («Cours de langue arabe», dans les années 1950 -- extrait véridique, je le recopie texto du bouquin):
C'est une très forte expiration du fond de la gorge, mais sans frottement; elle ressemble au souffle du caméléon.
Le souffle du caméléon, donc. Comme dans «hip hip hip hourra».

Bref, n'importe qui dira: «Hhassan Nasrallah du Hhezbollah aime le Hhoumous». Si un éditorialiste analyse: «Rrrassan Nasrallah du Rrrizbollah aime le Rrroumous», maintenant vous le savez: c'est un thuriféraire du sionisme.

C'est d'autant plus idiot, pour les analystes sionistes, de se faire piéger aussi facilement que, par ailleurs, il ne leur viendrait pas à l'idée de prononcer «Rafiq Rrrariri». C'est la même lettre. Au pire, ils diront «Rafikariri» d'une seule traite, mais pas «Rrrariri». (Pourtant, Rafiq Rrrariri aimait beaucoup le rrroumous.)

Prononcer «Rrrizbollah», ça vous trahit le propagandiste sioniste aussi sûrement que s'il disait «Eretz Yisrael» au lieu de «régime illégitime qui occupe al-Quds» au journal de 20 heures...

Rien à voir, mais il est plaisant de constater que, lorsqu'un français parle de Carlos Ghosn, aucun libanais ne sait de qui il parle («Carlos Guausne?»). Je ne sais pas, d'ailleurs, pourquoi ça se translittère «Ghosn». Parce que là, vous avez le droit de rouler les «r» comme n'importe mangeur de rrroumous: ça se prononce quelque part entre «Rrroussoune» et «Rrressen». Perso, je trouve que «Carlos Roussoune», ça a de la gueule.

Au fait, est-ce que Carlos Roussoune aime le hhhoumous? Il se trouve que oui: et celui qu'il préfère, c'est celui de... sa femme (Rita Roussoune, restaurant «My Lebanon» à Tokyo).

Sur ce, sahten.

01 octobre 2008

Risque politique de la crise ?

Publié hier, un article de Christian Chavagneux pour «Alternatives économiques» me donne envie de prolonger les questions de mon précédent billet. En effet, si l'aspect moral du plan est souvent discuté (sous l'angle «prendre aux pauvres pour donner aux riches»), je trouve regrettable que l'aspect politique soit assez systématiquement oublié. C'était l'objet de mon billet.

Christian Chavagneux soutient le «plan Paulson» avec un enthousiasme qui laisse coi. Le titre du billet («Le rejet du plan Paulson plonge la finance dans une double crise») est confirmé dans le chapeau («Le rejet du plan Paulson par la majorité des parlementaires américains a plongé la finance internationale, y compris l’Europe, dans un gouffre dont il est difficile de savoir comment elle va sortir.»). L'article rappelle pourtant, plus loin, l'évidence: la (double) crise précède le rejet du plan Paulson, et non l'inverse. Alors pourquoi ce titre et cette introduction?

Les deux derniers paragraphes sont assez étonnants.

Si 700 milliards de dollars peuvent être engagés, il n'est pas certain que le gouvernement aura besoin d'utiliser toute cette somme. De plus, une fois la crise passée, certains des actifs achetés vont voir leur valeur augmenter et le gouvernement pourrait même gagner de l'argent sur certaines transactions. De plus, la dernière version du plan prévoit que le gouvernement se voit offert en garantie la possibilité d'acheter des actions des banques qu'il aide. Ainsi, si la situation des banques s'améliore, le gouvernement peut vendre les actions et gagner de l'argent pour rembourser le coût du plan. Enfin, et ce n'était pas la moindre des avancées, le plan prévoit une revue de l'application du plan 5 ans après et permet au gouvernement de taxer le secteur financier si le coût budgétaire final s'avère important.
Si je lis bien, ce plan est tellement bon que:
  1. c'est un plan à 700 milliards qui coûtera moins de 700 milliards;
  2. en plus, à la fin, on va récupérer une bonne partie de de cet argent;
  3. et même le gouvernement pourrait bien «gagner de l'argent pour rembourser le coût du plan».
C'est la fête!

Mais alors, pourquoi un aussi bon plan a-t-il été initialement rejeté?
Ce plan, nécessaire, a été rejeté par 228 parlementaires, 95 démocrates et 133 républicains. On savait depuis le début que des démocrates allaient refuser le plan et on attendait une mobilisation des républicains. Celle-ci a bien eu lieu mais pour rejeter le plan. D'une irresponsabilité totale au regard de l'histoire et de leur pays, ces parlementaires ont refusé le plan pour deux raisons. Soit par pure idéologie, le qualifiant de « socialisme financier ». Soit parce qu'élus avec une faible marge et devant se représenter début novembre devant des électeurs réticents au fait d'aider Wall Street, ils ont préféré rejeter le plan plutôt que d'en expliquer la nécessité. La violence du rejet du plan, de Paulson et de l'autorité de George W. Bush, a été telle que 18 % des parlementaires républicains partant en retraite, et donc sans enjeu électoral, ont tout de même voté non.
À nouveau, si je lis bien: les élus américains l'ont refusé, c'est parce que:
  1. ce sont des idéologues (hum... des élus du peuple rejettent un plan pour des motifs politiques alors que ce plan est économiquement «nécessaire»; est-ce désormais un argument valable dans «Alternatives économiques»?);
  2. ce sont des démagogues qui cherchent à se faire réélire (ce qui est mal);
  3. même ceux qui ne sont ni idéologues et qui ne cherchent pas à se faire réélire sont contre (bon: «18% des parlementaires républicains partant en retraite», ça doit faire deux personnes à tout casser, genre 2 sur 11 ça fait 18%): ça prouve bien quelque chose mais je ne sais pas exactement quoi. 82% des parlementaires républicains (genre: 9 sur 11) qui partent en retraite ont voté pour, mais ça, ça ne prouve pas grand chose (personnellement, si 82% des républicains sont pour, j'aurais tendance à trouver ça suspect, mais c'est une autre histoire).
Le Diplo a posté, au même moment, une «valise diplomatique» qui rend tout de même moins «idéologue», «démagogue» et indéfendable le choix de certains parlementaires:
En pleine campagne électorale, de nombreux parlementaires ont mesuré l’ampleur du ressentiment populaire devant un plan qui, aux frais du contribuable, efface les pertes des banques, alors que rien d’aussi massif n’avait été prévu quand des centaines de milliers d’Américains furent précipités dans la faillite par la baisse de leurs actifs immobiliers.

[...]

Au-delà de l’horreur que peut inspirer à ces derniers un engagement supplémentaire de la puissance publique (un républicain est, théoriquement, en faveur du « moins d’Etat » et des comptes en ordre…), leur vote négatif s’explique par le caractère autoritaire et précipité de la décision qu’on voulait leur faire prendre
Une autre question devrait être, à mon avis, posée. Elle rejoint mes questions sur les risques politiques induits par la crise: dans quelles conditions peut-on à nouveau donner des pouvoirs aussi grands à l'administration Bush, sachant à quel point cette administration est capable d'abuser du moindre pouvoir qui lui est confié, et à quel point ces abus de pouvoirs sont les réussites que l'on sait?

Les trois hommes qui auraient la main directe sur ce pactole de plus de 700 milliards de dollars, ce sont:
  • Henry Merrit «Hank» Paulson Jr., «United States Treasury Secretary» (je préfère ici ne pas traduire les noms des fonctions officielles et des institutions pour éviter les contresens), nommé par Georges W. Bush le 30 mai 2006;
  • Ben Shalom Bernanke, «Chairman of the Board of Governors of the United States Federal Reserve», nommé par Georges W. Bush le 1er février 2006; il est à noter que tous les membres du Board of Governors actuels ont pris leur poste sous la présidence de Georges W. Bush;
  • Christopher Cox, «Chairman of the Securities and Exchange Commission», nommé par Georges W. Bush le 3 août 2005.
Un des articles du plan donnait l'ampleur de la prise de pouvoir énorme qu'il représente:

Rosner also says full disclosure is important since the bill as it now stands gives the U.S. Treasury Secretary basically unchecked power to deal with $700 billion in taxpayer funds. According to Section 8 of the proposal, the decisions are "non-reviewable and committed to agency discretion, and may not be reviewed by any court of law or any administrative agency."

That "prevents judicial action could allow the protection of decisions that create false marks, hide prior marks, or could be used to prevent civil or criminal prosecution in situations where a management knowingly provided false marks that aided the growth of this crisis of confidence," Rosner said in a note to clients.

Pour se donner une idée du «pouvoir» que représentent 700 milliards de dollars, signalons que c'est une somme supérieure au montant total du budget militaire des États-Unis (651 milliards). C'est également une somme supérieure à l'ensemble des budgets militaires cumulés de tous les autres pays de la planète. Et ce serait directement géré par trois hommes nommés par Georges W. Bush (qui terminera son mandat que le 20 janvier 2009).

Bref, y a-t-il des risques politiques liés à ce plan? Les élus américains qui rechignent à signer cet énorme transfert de pouvoir n'ont-ils que des motifs idéologiques et démagogiques, ou ont-ils quelques raisons de s'inquiéter? Y a-t-il un contre-pouvoir efficace prévu (ou même possible) face à ce pouvoir confié à trois hommes?

Christian Chavagneux explique (avec un adorable point d'exclamation final):
Dans la version finale, achevée dans la nuit de samedi à dimanche, le secrétaire au Trésor se voit octroyé toute latitude pour acheter à qui il veut, au prix qu'il veut et avec la méthode qu'il veut les actifs immobiliers risqués des banques. Mais il est ensuite pris sous le feu de quatre projecteurs qui vont scruter à la loupe ce qu'il fait : un Financial Stability Oversight Board devant lequel doit être présenté un rapport tous les mois ou toutes les fois que 50 milliards de dollars sont dépensés ; le Comptroller General, qui surveille la façon dont l'Etat dépense son argent, doit suivre la réalisation du plan ; un inspecteur général du plan est nommé pour le suivre également de près ; enfin, un panel du Congrès suivra également ce qui se passe !
Se pourrait-il que les parlementaires américains, après huit années d'aventurisme néo-conservateur, ne trouvent pas encore cela assez rassurant?

25 septembre 2008

Vive la crise !

Très bon billet, à mon avis, de Denis Sieffert aujourd'hui sur le site de Politis.

Je ne crois pas non plus que la crise actuelle se terminera par:

  • la chute et le dépassement du capitalisme,
  • la remise en cause des politiques néolibérales.
Je vous propose quelques réflexions, un peu en vrac. Ce sont en général des questions, mais le lecteur a le droit de penser que, de ma part, elles sont purement rhétoriques.


1. D'où sortent le(s) milliard(s) de milliard de dollars que va utiliser l'administration US pour éponger les créances pourries des grands joueurs de la bourse? On répond souvent, et c'est déjà choquant: des poches des contribuables.

Or, selon l'habitude étatsunienne, ce ne seront pas des levées d'impôts supplémentaires immédiates qui auront lieu, mais le recours au déficit budgétaire. Cet argent sera donc... emprunté.

Et emprunté à qui? Si je ne trompe pas: emprunté au marché. Le marché qui ne prête plus d'argent au marché va prêter à l'administration. Et, grâce au taux d'intérêt, se rémunérer sur ces bons du trésor.


2. Les banques qui ont émis des prêts pourris vont donc voir leur ardoise effacée. Mais, que je sache, ces prêts courent toujours du côté des particuliers qui ont souscrits ces emprunts. Les particuliers qui ont «acheté» une maison avec un de ces nombreux crédits dont les taux ont explosé, et qui ne peuvent plus payer, vont-ils eux aussi voir leur ardoise effacée, ou vont-ils se retrouver à la rue, tous leurs biens saisis?


3. Alors que nous connaissions une période d'euphorie boursière, la pression coloniale et néocoloniale sur les pays producteurs de matières premières était phénoménale. Question idiote: avec la crise généralisée des économies occidentales, cette pression va-t-elle baisser, ou va-t-elle s'accentuer?


4. Si la pression coloniale et néocoloniale s'accentue, aura-t-on plus, ou moins, besoin de l'alibi (im-)moral du «choc des civilisations» pour soutenir l'économie de la prédation?


5. La pression néolibérale sur nos propres sociétés va-t-elle s'accentuer, ou reculer à cause de sa faillite économique et de l'évident mensonge qu'elle représente? Pour l'instant, il me semble que les pays les plus directement touchés en profitent pour imposer des mesures supplémentaires de déréglementation du marché du travail.


6. Malgré l'euphorie boursière, les outils de contrôle social, au motif de «lutte contre le terrorisme», se sont développés dans les pays démocratiques dans des proportions inquiétantes (voir Edvige en France par exemple). Face à une crise économique qui va s'abattre sur l'«économie réelle», ces outils seront-ils directement retournés contre les sociétés (syndicats, mouvements sociaux, associations militantes..;)?


7. Si nous avons une conjonction entre l'imposition accélérée des politiques néolibérales (pour cause de «lutte contre la crise»), l'utilisation des outils de contrôle contre les sociétés et l'intensification de l'outil colonial qu'est le «choc des civilisations», y a-t-il un risque de basculement (violent ou via le processus électoral) d'une ou plusieurs grandes «démocraties libérales» vers des systèmes autoritaires? Est-ce que ça fait trop de «si» pour qu'on doive s'inquiéter?


8. Quid de la pression sur l'environnement? Kyoto, forages en Alaska, exploitation des zones polaires, alternatives aux combustibles non renouvelables, tout ça... La crise va-t-elle aider à réduire l'impact environnemental de nos systèmes (par exemple: baisse de la consommation), ou au contraire servir d'excuse pour achever de saccager la planète («ça n'est pas le bon moment»)?


9. Mille milliards de dollars représentent, rappelle Denis Sieffert, 8 ans de guerre en Irak. Je suppose qu'on ne compte ici que le coût pour les Américains et non la destruction totale des infrastructures d'un pays.

Mais d'autres chiffres peuvent être cités.

Le montant total de la dette du tiers-monde en 2005 s'élevait à 2600 milliards de dollars.
En 1980, le montant de cette dette était de 540 milliards. Entre 1980 et 2004, ces pays ont remboursé 5300 milliards. Comme le synthétise le CADTM, «les pays en voie de développement ont remboursé presque 10 fois ce qu'ils devaient en 1980, mais leur dette a été multipliée par presque 5». Il serait impossible d'annuler tout ou partie de cette dette sans faire s'effondrer l'économie mondiale. La dette des joueurs de la bourse, elle, sera épongée en quelques mois, pour des estimations de coût qui vont entre 1000 et 2000 milliards de dollars.

L'aide au développement s'élève à un peu plus de 100 milliards de dollars par an. Chiffre déjà dérisoire dans l'absolu (par exemple les transferts d'argent pratiqués par les immigrés vers leurs pays d'origine représentent, eux, 200 milliards), à comparer avec les 1000 milliards de dollars évoqués aujourd'hui.

22 juillet 2008

L'augmentation de la tuberculose est liée aux prêts du FMI

Aujourd'hui dans le New York Times: «L'augmentation de la tuberculose est liée aux prêts du FMI», par Nicholas Bakalar. Comme je ne suis pas persuadé que nos médias vont beaucoup en causer (en ce moment, c'est plutôt la saison des sujets Paris-Plage), je vous livre une traduction maison:

Une nouvelle étude vient de découvrir que la rapide augmentation du nombre de cas de tuberculose en Europe de l'Est et dans l'ancienne Union soviétique est fortement corrélée à l'obtention de prêts de la part du Fond monétaire international (FMI).

Les critiques du Fond ont suggéré que ses exigences financières amènent les gouvernements à réduire les dépenses de santé pour pouvoir obtenir les prêts. Ceci, indiquent les auteurs, aide à comprendre le lien établi par leur étude.

Le Fond réfute fermement cette conclusion, affirmant que les anciens pays communistes seraient dans une situation bien pire sans les prêts.

«La tuberculose est une maladie qui prend du temps pour se développer», indique William Murray, un porte-parole du Fond, «donc l'augmentation des taux de mortalité est certainement liée à quelque chose qui est intervenu avant les financements par le FMI. C'est seulement un bidonnage scientifique».

Les chercheurs ont étudié les statistiques de santé dans 21 pays et ont découvert que l'obtention d'un prêt du FMI était associée à une augmentation de 13,9% du nombre de cas de tuberculose chaque année, de 13,3% du nombre de personnes vivant avec la maladie et de 16,6% du nombre de décès dus à la tuberculose.


L'étude, qui est publiée mardi dans le journal PLoS Medicine, a contrôlé statistiquement un certain nombre d'autres facteurs qui influent sur les taux de tuberculose, notamment la prédominance du sida, les taux d'inflation, l'urbanisation, les taux de chômage, l'âge de la population et l'amélioration du suivi médical.

Le coordinateur de l'étude, David Stuckler, un chercheur associé de l'université de Cambridge, l'a défendue contre les critiques du Fond, indiquant que les chercheurs avaient vérifié si l'augmentation de la mortalité n'avait pas pu provoquer l'obtention des prêts plutôt que l'inverse.

Au contraire, ils ont découvert que l'augmentation de la mortalité par la tuberculose suivait le prêt; chaque pourcent supplémentaire de prêt est liés à une augmentation de 0,9% de la mortalité. Et lorsqu'un pays quitte un programme de financement du FMI, les taux de mortalité chutent de 31% en moyenne.

«Lorsque vous trouvez une corrélation, vous levez un sourcille», explique M. Stuckler. «Mais quand vous trouvez plus de 20 corrélations dans la même direction, vous commencez à établir un fort lien de cause à effet.»

23 juin 2008

L'agression d'un amateur de poings américains

Bien sûr, l'agression d'une jeune homme en plein Paris est dramatique. Bien sûr, si l'agression est antisémite ou raciste, elle est d'autant plus scandaleuse.

En revanche, le cirque médiatique qui se met en place en quelques heures, l'ouverture des journaux télé sur cette affaire depuis 24 heures, l'intervention immédiate des politiques... tout cela provoque une certaine gêne.

Par exemple, il faut creuser un peu pour trouver cette dépêche de l'AFP reproduite sur le site de Libé:

Le jeune juif, violemment agressé samedi dans le quartier des Buttes-Chaumont, à Paris (XIXe), avait été interpellé «après des incidents à caractère intercommunautaire» avec un autre groupe de jeunes d'origine maghrébine, le 9 décembre 2007. La rixe avait eu lieu en marge d'une manifestation à Bercy, à Paris, pour la Hanouka, la grande fête juive de fin d'année.
L'adolescent avait été placé en garde à vue en compagnie de trois camarades. Lui et ses camarades avaient été trouvés porteurs de poings américains et «autres projectiles de défense». Ils n'avaient pas été écroués.

Une procédure judiciaire avait été ouverte pour ces faits qui est «toujours en cours», a indiqué la même source.
Par ailleurs, selon la même source, les Renseignements généraux (RG) ont fait état dans des notes et rapports, de «plusieurs tensions et vifs incidents à caractère communautaire», depuis 2006, notamment dans quartier des Buttes-Chaumont où le jeune homme a été passé à tabac, à coups de barre de fer.
Voilà qui n'est pas forcément aussi médiatiquement accrocheur que l'affirmation selon laquelle la victime «a été victime d'une agression parce qu'il portait une kippa...». Cette mention de «plusieurs tensions et vifs incidents à caractère communautaire» apparaît également dans une interview du rabin loubavitch Mendel Samara:
La semaine, tout se passe bien. En revanche, le week-end, pendant le shabbat, le quartier des Buttes-Chaumont, et surtout le parc, devient assez difficile. Les regards des différentes bandes organisées se croisent. Cette tension permanente rend les dérapages possibles. D'autant plus qu'il y a une animosité provoquée par les frustrations, les incompréhensions et le manque de dialogue dans ce quartier.
Selon Le Figaro:
Par la voix de son président, Raphaël Haddad, l'UEJF se dit «très préoccupée» par les bagarres à répétition ces dernières semaines entre bandes organisées, notamment au parc des Buttes Chaumont.
Bandes organisées? Un jeune juif déjà arrêté avec un poing américain, passé à tabac non loin des Buttes Chaumont samedi soir, un rabin local indiquant que, pendant le shabbat, dans le quartier, les bandes organisées se défient?

Il faut relire les déclarations des politiques depuis 24 heures, il faut voir l'émotion médiatique, il faut observer ces «envoyés spéciaux» des journaux télés qui sont au chevet du jeune amateur de poing américain (littéralement: ils sont postés devant l'hôpital et nous infoment, heure par heure, de son état de santé). Il faut voir cela, et comparer: avec l'occultation quasi totale de la possibilité des conséquences d'affrontements entre une bande organisée juive (genre Betar, LDJ...) et d'autres bandes organisées (conséquence même indirecte: si un groupuscule type Betar ou LDJ sévit dans le quartier, malheureusement tout juif devient une cible pour les tarés d'en face), ou encore avec l'absence de réaction (ou cirque médiatique) suite à d'autres agressions dans Paris (l'indignation médiatique à deux vitesses étant certainement un élément aggravant à ce type de tensions, chacun se rêvant en «ligue de défense» communataire).

[Ajout lundi soir 23 heures] Signalé par un participant au forum, cette dépêche de l'AFP:
Le patron d'un bar-tabac situé près du lieu de l'agression a évoqué lundi sur RTL un "règlement de comptes entre petites bandes" plutôt qu'une agression antisémite. "Aux alentours de 18H00-18H30, il y a un groupe de jeunes juifs qui sont arrivés, ils étaient approximativement une vingtaine qui se sont dirigés vers le square au niveau de la rue Petit et qui sont allés directement agresser des jeunes et puis après, il s'en est suivi une altercation assez violente", a déclaré l'homme, qui n'a pas donné son nom mais qui affirme avoir été témoin direct de la scène.

"Il y a eu des jets d'objets, moi, j'étais là en train de baisser mes rideaux métalliques de peur que ma vitrine soit endommagée, ils se sont tous sauvés, à priori ils auraient laissé un de leur amis à terre" a-t-il ajouté.
Publié à peu près au même moment (22 heures), un billet de Reuters suggère que l'emballement médiatique est en train de se retourner: «Incertitudes après l'agression d'un jeune juif à Paris».

[Ajout mardi matin, 10h] Brève du Figaro: la «manifestation pour la Hanouka» n'est plus exactement une célébration religieuse:
Le 9 décembre dernier, Rudy avait participé à une manifestation dans le parc de Bercy à Paris en soutien aux trois soldats israéliens enlevés par le Hezbollah. À l'issue de ce rassemblement, il a été interpellé pour «violences volontaires avec arme par destination» et placé en garde à vue. Il ferait l'objet d'un contrôle judiciaire.
Casser du bougnoule après une manifestation contre le Hezbollah, ça n'est pas exactement mon idée de la fête, mais bon... le Figaro précise:
Selon des sources informées, il est proche de la Ligue de défense juive comme du Betar, ce dont se défendent ces mouvements.

13 juin 2008

Encore des histoires d'arabes

Encore des histoires d'arabes qui, visiblement, n'intéressent pas les médias français.

– La démocratie israélienne et ses collaborateurs

La cour martiale israélienne d'Ofer a condamné le correspondant de la chaîne satellitaire Aqsa TV, Mohammed Ezzat Al-Halayka, à une peine d'un an de prison en l'accusant de travailler pour une chaîne de télévision «ennemie». La court a également condamné Halayka, 25 ans, qui vient de la ville d'Al-Khalil en Cisjordanie, à une amende de 1200 dollars.

Halayka a été arrêté par les troupes israéliennes en décembre dernier, et accusé de «travailler pour une chaîne appartement au Hamas». Le journaliste palestinien avait auparavant été arrêté par les forces de sécurité de l'Autorité palestinienne sous le commandement de Mahmoud Abbas, et a été humilié par les services de renseignement de l'Autorité palestinienne avant son arrestation par les israéliens.
Le calme règne au Maroc
Les habitants d'une ville marocaine où la police a fait usage de la force pour mettre fin à un blocus qui durait depuis une semaine se sont plaints des méthodes très violentes et déclarent que des manifestants sont toujours cachés dans les collines avoisinantes.

Le gouvernement a nié les allégations de plusieurs témoins selon lesquelles des manifestants ont été tués et des douzaines blessés quand la police est intervenue samedi pour mettre fin aux manifestations à Sidi Ifni par des jeunes qui protestaient contre la pauvreté et le chômage.
Le calme règne en Tunisie
La police a tiré dans la foule pour disperser des centaines de jeunes manifestant contre le chômage et le coût de la vie dans le sud-ouest de la Tunisie, faisant un mort et plusieurs blessés, ont déclaré des officiels du gouvernement et du syndicat vendredi.
À la Une de Reporters sans frontières: «100 photos de Bettina Rheims» (sortez la carte bleue). Seul Le Monde a consacré un article au sujet: «Troubles sociaux meurtriers au Maroc et en Tunisie», par Florence Beaugé. Le Figaro s'est contenté de passer une dépêche AFP sur son site Web. Au même moment, tout ce qu'avait à raconter Libération, c'est «Le Maghreb, terreau de choix pour Al-Qaeda».

Vive la liberté de la presse.

08 juin 2008

Sarkozy aime les Libanais, comme il aime les Cochinchinois, les Malgaches, les Sénégalais et les Marocains

«En montant cette union sacrée, pour le Liban, de la République dont la majuscule est l’objet de la fierté des Français, des francophones, des démocrates.»
Mahmoud Harb
Alors, tu es content, Mahmoud? L'Homme blanc (avec un grand H) est venu t'apporter les Lumières (avec un grand L) de la République (avec un grand R)? C'est dommage qu'il ne soit pas venu avec son grand ami Johnny, qui t'aurait en même temps appris l'amour avec un petit Q.

Est-ce que ça n'est pas le plus beau jour de la vie de ton joli pays, Mahmoud? Ton mignon petit pays que la France éternelle, dans son incommensurable grandeur, a choisi d'aimer. Oui Mahmoud, Saïd Sarkozy aime ton petit pays et ses joyeuses peuplades folkloriques. Et tous les Français aiment aussi ta riante petite contrée et ses tribus bariolées.

C'est pour cela que Saïd Sarkozy, il est venu chez toi (et comme ta peuplade est très hospitalière, il a tout de suite compris qu'il était chez toi chez lui; mais ne va pas t'imaginer que tu serais chez toi chez nous sans visa, notre grandeur d'âme a tout de même des limites). Il est venu chez toi non pas avec quelques milliards d'aide au développement, ni avec des annonces de mesures économiques pour aider ton petit pays, il n'est même pas venu pour t'annoncer que notre politique inepte à l'encontre de ton pays allait changer (au contraire, avec Saïd Hollande, il est venu répéter que la politique de la France au Liban ne changerait pas, et ça, ça valait bien la peine de se déplacer).

Non, Saïd Sarkozy aime tellement ton pays, Mahmoud, qu'il est venu pour t'offrir sa seule présence. Et celle des autres saïd français. Comme ça, tu as pu approcher la République avec un grand R, et rêver à la Liberté, à l'Égalité et à la Fraternité (avec un grand LEF). Et même, Mahmoud, il a accepté de se faire prendre en photo avec toi. Tu sais, c'est une photo de toi avec le représentant sur Terre de la philosophie des Lumières, tu penseras bien à la mettre dans un cadre avec autour une guirlande qui clignote.

Mahmoud, je sais que la politique internationale de notre grand et beau pays dont le R majuscule nous rend si fiers est un peu compliquée pour toi. Je m'en vais donc te livrer cette citation d'un grand film philosophique de chez nous, et tu vas tout comprendre:
«C'est notre Raïs à nous, c'est monsieur René Coty. Un grand homme, il marquera l'histoire. Il aime les Cochinchinois, les Malgaches, les Sénégalais, les Marocains... C'est donc ton ami. Ce sera ton porte-bonheur.»
OSS 117 – le film
À peine arrivée à Beyrouth, Carla Bruni est vendue aux enchères, nue, chez Christie's. Saad Hariri en aurait proposé plus de 200 chameaux.
Et maintenant, Mahmoud, je ne résiste pas au bonheur de reproduire (intégralement) ce que tu as écris dans ton journal, L'Orient-Le Jour (grand L, grand O, grand L, grand J), à la suite de la visite du Président Coty Sarkozy. C'est à mon avis le plus bel hommage que tu pouvais rendre aux scénaristes d'OSS 117. J'apprécie aussi le fait que ce soit qualifié, par ton journal, d'«ANALYSE» (en majuscules).
ANALYSE
De l’union sacrée tricolore pour le Liban
L'article de Mahmoud HARB

Nicolas Sarkozy, président «d’ouverture», aime à citer Jean Jaurès et le fait bien plus que les éléphants du parti de la rose rouge. Il est quasiment impossible aujourd’hui de résister à la tentation de contourner les failles de l’anachronisme, pour suivre son exemple en saluant l’union sacrée – expression chère au leader de la SFIO – des dirigeants français pour le Liban. En saluant la visite à une Beyrouth martyrisée par ceux-là qui prétendent la défendre, de cette colossale délégation des plus hauts responsables de l’État français. En reconnaissant que si Nicolas Sarkozy est – et doit être – quelque part gêné aux entournures par l’échec de sa diplomatie à obtenir ce que le petit Qatar a réussi, par le piège dans lequel Bernard Kouchner a poussé le patriarche Sfeir, il s’est très bien rattrapé hier, sans même avoir à battre sa coulpe. En montant cette union sacrée, pour le Liban, de la République dont la majuscule est l’objet de la fierté des Français, des francophones, des démocrates.

En France, Nicolas Sarkozy est souvent accusé de verser dans la communication volubile plutôt que dans l’action efficace. Sa visite au Liban serait-elle pour autant un coup de com’ d’un président en quête de cote de popularité, d’une hausse dans les sondages, d’une petite place sur la scène internationale ? La réalité semble être tout le contraire. Car si le président B.C.B.G. voulait faire dans la publicité, il se serait probablement contenté de se faire accompagner par les ténors de son parti ou par les gardes rapprochés de sa «task force» ministérielle.

Bien au contraire, Nicolas Sarkozy a tenu à associer à sa démarche «toute la France, pour dire que le Liban a le droit de penser à l’avenir». À commencer par son Premier ministre François Fillon, même si les relations entre les deux hommes seraient houleuses, même s’il n’est pas coutume que le président de la Ve République voyage avec le chef de son gouvernement. Et puis François Hollande, même si le PS et l’UMP sont deux formations adversaires. Et encore François Bayrou, même si son Modem rachitique tente désespérément de chasser sur le territoire du parti de la majorité présidentielle. Sans oublier la secrétaire nationale des Verts, Cécile Duflot, ni le président des Radicaux de gauche, Jean-Michel Baylet. Ni Marie-Georges Buffet, même si la présence de cette dernière n’a ravi que Khaled Hdadé, chef du Parti communiste – fantôme – libanais, même si le PCF continue de soutenir des positions tiers-mondistes anachroniques et des résistances souvent obscurantistes, comme s’il incombait aux seuls habitants du tiers-monde de combattre le «Léviathan» de la mondialisation, sans pouvoir aspirer à la démocratie républicaine. Et certainement pas «populaire».

Et si tous ces dirigeants de l’opposition ont bien voulu se ranger sous la houlette de Nicolas Sarkozy, si le président français a enfreint aux coutumes protocolaires de la République, c’est parce que la France nous a très bien compris, comme aurait dit le général de Gaulle. C’est dire que Paris a réalisé que «la partie qui se joue actuellement au Liban intéresse de près tous les Européens», selon les mots de Régis Debray. Et il est vrai que, sur ces modestes 10 452 kilomètres carrés morcelés en périmètres de sécurité, se joue une lutte féroce entre les Lumières et l’obscurantisme, la pluralité éclairée et l’homogénéisation totalitaire, entre la nahda et l’inhitat, entre la parole et le kalachnikov, entre la démocratie confessionnelle bariolée et la théocratie monochrome, entre la croissance durable – même si souvent inéquitable – et la révolution permanente, le massacre perpétuel.

«Il n’y aura pas de paix et de stabilité dans la région s’il n’y en a pas au Liban.» Sarkozy l’a souligné fort à propos. Si la liberté perd la bataille au Liban, les Barbares – au sens où l’entendaient les historiens antiques, c’est-à-dire ceux qui se trouvent ou se placent à l’extérieur du règne de la civilisation de l’époque – viendront frapper aux portes des Romes modernes. D’où l’importance cruciale de l’union sacrée de la France – et des puissances démocratiques – pour le Liban.

Ces Libanais désunis n’ont pas de comptes à demander à une France à laquelle ils doivent déjà beaucoup. Néanmoins, au nom des valeurs tricolores de la liberté, de l’égalité et de la fraternité desquelles «procède l’attachement particulier du Liban à la France», comme l’a merveilleusement affirmé le président de la République Michel Sleiman, il est des inquiétudes libanaises que Paris devrait lever. Et notamment en ce qui concerne «cette nouvelle page (qui) est peut-être en train de s’ouvrir avec la Syrie».

Nicolas Sarkozy a déjà lancé quelques signes réconfortants à cet égard, en se situant dans la continuité de la politique libanaise de Jacques Chirac et en conditionnant l’amorce de la normalisation des relations entre Paris et Damas à l’ouverture d’une ambassade syrienne à Beyrouth et au respect de la paix civile et de la stabilité au Liban. Mais les Libanais ont vécu beaucoup trop de déceptions pour savoir qu’un petit accord entre l’Occident et les Assad entraîne souvent une grande hécatombe au Liban. Il incombe à la France qui partage avec le Liban «les grandes valeurs de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés publiques» – encore une excellente expression de Michel Sleiman – de briser cette règle assassine de l’histoire de la région. En attendant une union sacrée des Libanais, pour le Liban…

04 juin 2008

L'AIPAC crie, Obama aboie

Obama à l'AIPAC...

Les bêtises américaines habituelles. L'intégralité de son discours est disponible sur le site du Washington Post, c'est atterrant de bout en bout.

Mais quelques détails dépassent le «consensus» habituel américain. Il n'y a pas une phrase décente dans toute cette intervention, et je ne vais pas me cogner la traduction intégrale de ce genre de divagations; je me contente de reproduire ici quelques éléments qui, même dans l'ambiance politique américaine particulièrement «biaisée», dépassent ce qui, même là-bas, est communément admis.

But any agreement with the Palestinian people must preserve Israel's identity as a Jewish state, with secure, recognized, defensible borders.
(«Mais tout accord avec le peuple palestinien doit préserver l'identité d'Israël en tant qu'État juif, avec des frontières sûres, reconnues et défendables.»)
And Jerusalem will remain the capital of Israel, and it must remain undivided.
(«Et Jérusalem doit demeurer la capitale d'Israël, et doit rester unifiée.») Pour rappel, l'ONU refuse que Jérusalem soit la capitale d'Israël, et considère que Jérusalem Est est un territoire occupé.
The threats to Israel start close to home, but they do not end there. Syria continues its support for terror and meddling in Lebanon, and Syria has taken dangerous steps in pursuit of weapons of mass destruction, which is why Israeli action was entirely justified to end that threat.
Nous avons donc, selon Obama, la tentative de développer des armes de destruction massive par la Syrie. Mais Obama n'étant pas Bush, on est donc prié, cette fois-ci, d'y croire.

Ne pas rire, Obama évoque de grands prédécesseurs pour sa manière de gérer la «menace» que représente, selon lui, l'Iran:
They forget the example of Truman, and Kennedy, and Reagan. These presidents understood that diplomacy, backed by real leverage, was a fundamental tool of statecraft.
Reagan, le même Reagan que dans l'Irangate?

02 juin 2008

Les États-Unis réinventent les pontons

Pour ceux qui ne savent pas ce qu'est un ponton, direction Wikipedia et Prison.eu.org. Et c'est aujourd'hui (2 juin 2008) dans le Guardian: «Les États-Unis accusés de détenir des suspects de terrorisme sur des bateaux-prisons», par Duncan Campbell et Richard Norton-Taylor. Voici la traduction maison des deux premiers tiers de cet article.

Les États-Unis utilisent des «prisons flottantes» pour détenir les individus arrêtés dans sa guerre contre la terreur, selon des avocats des droits de l'homme, qui dénoncent une tentative de dissimuler le nombre et les lieux des détentions.

Des informations sur les navires où les détenus ont été retenus et sur les sites qui auraient été utilisés dans différents pays à travers le monde ont été compilées à mesure que le débat sur la détention sans procès s'intensifie des deux côtés de l'Atlantique. Le gouvernement américain a été exhorté hier à fournir la liste des noms et des lieux de ceux qui ont été détenus.

L'information quant à l'existence de bateaux-prison est sortie par un certain nombre de sources, dont des déclarations de l'armée américaine, le Conseil de l'Europe et les instances parlementaires, et les témoignages de prisonniers.

Le rapport, qui doit être publié cette année par l'organisation de défense des droits de l'Homme Reprieve, affirme également qu'il y a eu plus de 200 nouveaux cas de déportation (rendition) depuis 2006, quand le président George Bush a déclaré que cette pratique avait cessé.

C'est l'utilisation de navires pour détenir des prisonniers, cependant, qui soulève de nouvelles préoccupations et des demandes d'enquêtes en Grande-Bretagne et aux États-Unis.

D'après les recherches effectuées par Reprieve, les États-Unis auraient utilisé pas moins de 17 navires comme «prisons flottantes» depuis 2001. Les détenus sont interrogés à bord des navires et ensuite déportés dans d'autres lieux, souvent non divulgués, selon ce rapport.

Les navires identifiés comme lieux de détention de prisonniers sont notamment l'USS Bataan et l'USS Peleliu. 15 autres navires sont soupçonnés d'avoir été utilisés autour du territoire britannique de Diego Garcia dans l'océan Indien, qui a été utilisé comme base militaire par le Royaume-Uni et les Américains.

Reprieve sera s'alarme particulièrement quant aux activités de l'USS Ashland et le temps qu'il a passé au large de la Somalie au début de 2007, quand il menait des opérations de sécurité maritime dans le but de capturer des terroristes d'al-Qaida.

À cette époque de nombreuses personnes ont été enlevées par les forces de la Somalie, du Kenya et de l'Éthiopie, lors d'une opération systématique impliquant des interrogatoires réguliers par des personnes soupçonnées d'être membres du FBI et la CIA. En fin de compte plus de 100 personnes ont «disparu» vers des prisons dans des lieux incluant le Kenya, la Somalie, l'Éthiopie, Djibouti et à Guantánamo Bay.

Reprieve pense que des prisonniers pourraient également avoir été retenus pour interrogation sur l'USS Ashland et d'autres navires dans le golfe d'Aden au cours de cette période.

Le rapport de Reprieve inclut le témoignage d'un prisonnier libéré de Guantánamo Bay, qui décrit l'histoire d'un autre détenu sur sa détention sur un navire d'assaut amphibie. «Un des prisonniers détenus avec moi à Guantánamo a été en mer sur un navire américain avec environ 50 autres détenus avant de venir à Guantanamo... il était dans la cage à côté de moi. Il m'a dit qu'il y avait environ 50 autres personnes à bord du navire. Ils ont tous été fermés dans le fond du navire. Le prisonnier m'a dit que ressemblerait à quelque chose que vous voyez à la télévision. Les personnes détenues à bord du navire ont été frappées encore plus sévèrement qu'à Guantánamo.»

Clive Stafford Smith, le directeur juridique de Reprieve, a déclaré: «Ils choisissent des navires pour tenter de dissimuler leur faute dans la mesure du possible des regards indiscrets des médias et des avocats. Nous finirons par rendre leurs droits légaux à ces prisonniers fantômes.

«De son propre aveu, le gouvernement américain détient actuellement au moins 26000 personnes sans procès dans des prisons secrètes, et des informations donnent à penser que jusqu'à 80000 sont passées “par ce système” depuis 2001. Le gouvernement américain doit faire la preuve de son engagement pour droits fondamentaux et d'humanité, en révélant immédiatement qui sont ces gens qui, où ils sont et ce qui leur a été fait.»

[...]
La suite présente des déclarations de politiques suite à cette révélation.

31 mai 2008

Un mariage annulé parce que le mari avait trahi les convictions religieuses de sa femme

Pfiou, vous ne trouvez pas que ça pue, ici? Je veux dire, ici, en France. Encore une belle bouffée d'islamophobie. Évidemment, c'est dans un journal «de gauche», Libération.

Quelques notes jetées rapidement sur ce blog...


– Évidemment ça n'a rien à voir: le lendemain, Libération défendait d'atroces dessins islamophobes et racistes au prétexte de nos belles valeurs républicaines de «liberté d'expression». Pourtant, c'est sans doute super pas raciste:

Ou encore cette statue bizarre, un gros Néerlandais, chaîne au pied, qui porte sur son dos un Noir aussi corpulent que lui, bras croisés et tétine à la bouche, sous cette légende : «Et maintenant, aussi un monument à l’esclavage pour le contribuable autochtone blanc» - critique croisée de la multiplication des monuments à l’esclavage aux Pays-Bas et du débat sur le statut des Antilles néerlandaises.
Le «Sex» de la City a été censuré à Jérusalem, et Time Out titre «No Sex!» en mettant des bandeaux sur la bouche des quatre actrices. Cette atteinte à la liberté d'expression par les culs bénis n'a pas les honneurs du quotidien, mais uniquement de l'anectodique site Next. Quant à faire savoir qu'on a brulé des nouveaux testaments, la semaine dernière, à Jérusalem, faudrait pas pousser.


– Le début de l'article sur l'«affaire» de la virginité donne le ton: petites phrases courtes, martiales et indignées:
La mariée n’était pas vierge. Le mariage a été annulé. Et c’est arrivé près de chez vous. La décision a été rendue au mois d’avril par le tribunal de grande instance de Lille. Elle vient d’être commentée dans une revue juridique. Les juges ont pensé que le mari plaignant avait été trompé sur la virginité de sa femme, considérée en l’occurrence comme «une qualité essentielle.»
«C'est arrivé près de chez vous». Si le bon bobo n'est pas encore choqué par ce coup d'État islamiste près de chez lui, la suite devrait produire le bon effet:
Le mariage se fait en grande pompe, comme il se doit. La nuit de noces, le marié découvre que son épouse a menti. Au bout de quelques heures, il débarque au milieu des invités qui sirotent un dernier jus. Il n’a pas de drap taché de sang à exhiber.
«Il n’a pas de drap taché de sang à exhiber.» Le début se veut factuel, mais cette dernière phrase ne l'est pas: il s'agit de l'énoncé de ce que la journaliste suppose devoir se passer dans un tel mariage. Qu'est-ce qui permet à la journaliste de penser que le marié avait prévu de ressortir de la chambre et de venir exhiber un drap taché de sang? Est-ce un témoignage d'un membre de la famille (genre: «on attendait à côté qu'il vienne nous montrer les draps»), une constante des mariages marocains traditionnels en France, ou un fantasme de la journaliste?


L'Orient-Le Jour, jamais en difficulté pour reprendre les plus navrantes considérations orientalistes des médias occidentaux, consacre un court article à l'affaire. Dernière phrase de ce billet, ce quotidien chrétien libanais informe ses lecteurs:
En islam, les relations sexuelles sont prohibées en dehors du cadre légal du mariage, et les jeunes filles doivent se présenter vierges à leurs premières noces.
On croit rêver: «en islam». Ce que le lecteur de L'Orient-Le Jour sait pourtant très bien:
  • la libéralisation sexuelle au Liban est toute relative; voir par exemple cet article sur «Une émancipation “en cachette”»;
  • le tabou quant à la virginité des filles concerne non seulement les musulmans, sunnites comme chiites, mais aussi les chrétiens. L'espèce de sous-pape qui dirige la communauté spirituelle maronite n'est pas plus marrant sur le sujet que Jean-Paul II et Ronald Reagan; en décembre 2006, il recommandait aux familles de ne pas laisser leurs filles participer aux manifestations de l'opposition, y dénonçant l'insoutenable promiscuité entre hommes et femmes qui sévissait dans ces «rassemblements mixtes incontrôlés»;
  • même dans les familles moins regardantes sur la virginité, la vie en concubinage de jeunes couples est particulièrement rare, et quasiment inexistante en dehors de Beyouth;
  • il n'y a pas de mariage civil au Liban; non seulement seuls les religieux peuvent célébrer les mariages, mais de plus ce sont les règles religieuses de chaque communauté qui s'appliquent, en dehors de toute protection minimale (notamment des droits des femmes) par l'État. Et en cas de contestation, ce sont des tribunaux ecclésiastiques ou musulmans qui statuent. Voir par exemple cette étude sur «Le rôle de la cour suprême libanaise en matière de statut personnel».
Pour les mal comprenants: à titre personnel, ce tabou de la virginité et de l'union libre m'est carrément étranger. Français athée enfant de 68, je n'ai aucune sympathie pour ce genre de considérations. Ce qui me choque ici, c'est que L'Orient-Le Jour parvient à glisser une mention commençant par «en islam», alors que la question au Liban concerne absolument toutes les communautés religieuses.


– Lire les très intéressantes explications suivantes:
Le second texte, sur la contractualisation du mariage, introduit des réflexions réellement enrichissantes. Je trouve ainsi inquiétant de voir les belles âmes de gôche dénoncer une décision de justice au motif qu'elle ne se baserait que sur le droit (et l'aspect contractuel du mariage entre deux personnes) et ainsi, implicitement, réclamer que la loi fixe une norme morale. Vouloir que la loi se mêle de morale dans un sens (plus de libéralisme sociétal), c'est ouvrir la boîte de Pandore, puisque cela légitime alors que cette même loi évolue, à une autre époque et sous un autre gouvernement, pour aller dans l'autre sens.


– Norme morale qui n'est pas que celle de quelques barbus islamistes super-méchants. C'est aussi celle de la génération de mes parents. C'est celle de quatre de mes amis (deux couples, donc), catholiques, qui avaient choisi avec leurs épouses de se marier vierges dans les années 90. Aux dernières nouvelles, ils ont de très beaux enfants et mènent une vie heureuse.

Les communiqués enflammés des responsables de l'UMP contre cette «fatwa» sont particulièrement grotesques, considérant que les mêmes dénoncent depuis 40 ans la perte de repères moraux que représentait mai 68.


– Surtout, je tiens à mettre en avant cette décision de justice signalée par un participant au forum de Maître Eolas. Je la reproduis ici intégralement, parce que, encore une fois, ce qui permet de déceler la motivation islamophobe est l'émergence d'un sujet médiatique uniquement lorsqu'il concerne l'islam, alors que des faits parfaitement similaires, antérieurs, n'avaient entraîné rigoureusement aucune irritation des bonnes âmes «laïques».

De quoi s'agit-il: une femme avait obtenu l'annulation de son mariage (annulation confirmée en cassation), parce que son mari lui avait caché qu'il avait déjà été marié, alors qu'elle entendait «épouser une personne non divorcée». Et non, ça n'est pas avant mai 68, c'est en décembre 1997.
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Noël X..., en cassation d'un arrêt rendu le 5 décembre 1994 par la cour d'appel d'Angers (1re chambre civile, section B), au profit de Mme Bernadette Y..., défenderesse à la cassation;

Mme Y... a déposé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 octobre 1997, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Durieux, conseiller rapporteur, M. Grégoire, conseiller, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Durieux, conseiller, les observations de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de M. X..., de Me Garaud, avocat de Mme Y..., les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Angers, 5 décembre 1994) d'avoir prononcé l'annulation de son mariage avec Mme Y..., célébré le 18 août 1973, sans rechercher si l'erreur sur une qualité essentielle de la personne aurait été déterminante pour n'importe qui d'autre que Mme Y... et non pas seulement par l'effet d'une disposition d'esprit particulière à celle-ci, de sorte que la cour d'appel n'aurait pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 180, alinéa 2, du Code civil;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que le fait pour M. X... d'avoir caché à son épouse qu'il avait contracté un premier mariage religieux et qu'il était divorcé, avait entraîné pour son conjoint une erreur sur des qualités essentielles de la personne;

qu'elle a souverainement estimé que cette circonstance était déterminante de son consentement pour Mme Y... qui, désirant contracter un mariage religieux, entendait, par là même, épouser une personne non divorcée;

qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident de Mme Y...:

REJETTE le pourvoi;

Condamne M. X... aux dépens;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y...;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.
Le marié était un divorcé. Le mariage a été annulé. Et c’est arrivé près de chez vous.

16 mai 2008

Le monde entier, à l'exception de tous les autres

Dans L'Orient-Le Jour:

[...] la direction du PSNS a indiqué, dans un communiqué, que «les images du massacre de Halba sont plus sincères que ses discours. Et le monde entier est témoin de l’horreur de ce massacre». Le communiqué a poursuivi que «la réponse de Hariri à la télévision al-Manar ne l’empêche pas de porter la responsabilité, car nous sommes les martyrs».
C'est là une situation exemplaire. Vraiment exemplaire.

Le gars du PSNS pense que «le monde entier est témoin de l'horreur [du] massacre [de Halba]». Il n'a pas de raison de douter que ce soit le cas: depuis quelques jours, les images (insoutenables) de ce massacre circulent sur Youtube et ont été diffusées par Al-Manar (la chaîne de Hezbollah).

Selon le commentaire qui accompagne ces images, il s'agit de membres du PSNS lynchés par des militants du clan Hariri. On y voit des hommes blessés entassés avec des cadavres, sur lesquels une petite foule s'acharne jusqu'à la mort.

Description par Al-Manar:
Meanwhile, Al-Manar and other TV stations broadcasted on Tuesday footage of a massacre in the making in the Halba village by Saad Hariri's Mustakbal militiamen against members of the Syrian Socialist Nationalist Party (SSNP). The horrific footage showed the barbaric and brutal nature of the perpetrators. The footage showed how some executed SSNP members were lying on the ground, while others were still dying. Hariri's Mustakbal militiamen were beating up those dying. In the footage, heavy stone blocs with sharp edges were seen saturated with blood. A young man, still in his 'teens, was dying and coughing blood out of his mouth. This cruel crime took the life of eleven young men.
Nul ne peut réellement ignorer ces images de barbarie, même dans le camp de la majorité, puisque Saad Hariri s'est défendu, prétendant qu'il s'agissait d'une manipulation, et que ce sont les membres du PSNS qui s'étaient en fait attaqués à une manifestation pacifique (on n'insistera pas trop sur la contradiction de cette explication: «c'est une manipulation, ce ne sont pas des membres du PSNS qui sont lynchés par des militants Hariri, et de toute façon ils l'ont bien cherché, puisque ce sont les membres du PSNS qui ont attaqué les militants Hariri en premier»).

J'ai reçu les liens vers ces vidéos dès le premier jour, elle circule toute vitesse sur FaceBook, dans les blogs, c'est évoqué sur Syria Comment, Angry Arab et les autres et c'est montré (au moins) sur Al-Manar; bref ça fait beaucoup de bruit.

Et là où c'est particulièrement sidérant, c'est que si chacun dans le monde arabe a entendu parler de cette image et que le PSNS croit pouvoir annoncer que «le monde entier est témoin de l’horreur de ce massacre», aucun média occidental n'a évoqué cette affaire. Non, vraiment, non. Ce genre de sujet c'est pour les Arabes; dans la presse libre du monde libre, ça n'intéresse personne. Dans la presse libre du monde libre, il y a des milliers de journaux, des centaines de milliers de journalistes, et aucun ne juge intéressant de faire une brève là-dessus; ni pour évoquer le massacre, ni même indirectement pour évoquer le scandale qu'il provoque.

Tout ce que vous trouverez, ce sont des mentions similaires à celle-ci:
Dans le nord du Liban, à Halba, 14 personnes, dont des civils, ont péri lors de combats entre militants d'un parti pro-syrien et partisans d'une formation pro-gouvernementale.
Les images et de nombreux témoignages suggèrent que cette information est factuellement, totalement fausse. Information qui, depuis, est une question dangereuse au Liban (parce que qui dit massacre dit vengeance, dit autres massacres, etc.). Mais non, vraiment, ça ne nous intéresse pas. J'invite le lecteur curieux à chercher «Halba» dans Google News France et États-Unis, le résultat sera spectaculaire. Rien. À part des médias libanais francophones et anglophones, c'est le néant.

Réponse donc au gars du PSNS: non, le monde entier n'est pas témoin de ce massacre. Le monde entier n'a rien vu. Les journalistes du monde entier ont autre chose à faire.

Est-ce le syndrome Timisoara? Par peur de l'erreur ou de la manipulation par les images, nos médias préfèrent ne pas relayer... Sans doute, oui, ça doit être ça. Mais si ces images avaient été titrées «des membres du mouvement du Futur torturés et massacrés par le Hezbollah», je me demande si les médias occidentaux auraient eu autant de scrupules. Et, encore une fois, on peut prendre du recul par rapport aux images et tout de même évoquer le scandale et le débat qu'elles provoquent au Liban.


À part ça, toujours sur le front médiatique, je vous rappelle que, selon Mouna Naïm du Monde, «Les milices réduisent au silence des médias progouvernementaux». Les «312 mots» de cet article du 11 mai annonçaient que la censure du Hezbollah s'abattait sur les médias du groupe Hariri.

Qu'en est-il aujourd'hui? Hé bien pour le lecteur du Monde, la censure islamo-iranienne sévit certainement toujours à Beyrouth, puisque personne au Monde n'a jugé intéressant de signaler ceci:
13 mai, 16h30: Reprise de la retransmission de la chaine FuturTV proche du dirigeant du Courant du Futur, Saad Hariri.
Ainsi la chaîne a repris le cours normal de ses émissions: Saad Hariri y a immédiatement annoncé qu'un conflit entre sunnites et chiites avait débuté au Liban.

On a eu droit dans nos médias à de nombreux commentaires sur la censure qui s'abattait soudain sur le Liban. Aucun n'a jugé bon de signaler, quelques jours après, que les médias Hariri avaient repris le travail.

Aucun média n'a non plus jugé intéressant de passer cette notule:
La chaîne de télévision NBN a confirmé dans un communiqué l’arrêt de la retransmission des programmes des chaînes NBN, Al Manar et OTV dans le Nord Liban.
Ce même communiqué accuse des partisans du Courant du Futur d’avoir saboté les locaux de retransmission des chaînes à Tripoli et dans le Akkar avant de condamner l’agression de 2 journalistes de la chaîne Al Manar. La NBN appelle le ministère de l’information et les responsables de l’association de la presse à prendre les mesures pour garantir la liberté d’expression et prévenir les attaques visant les médias.
NBN, Al Manar et OTV étant les télévisions des principaux partis de l'opposition (Amal, Hezbollah, Aoun).

Notons encore que, puisqu'on n'avait pas appris cet arrêt des retransmissions, aucun média ne nous indique si elles ont repris depuis. Quant à la NBN qui réclame des mesures pour «garantir la liberté d'expression», c'est évidemment ironique: NBN est la télévision du parti Amal, dont la milice était en première ligne dans les affrontements à Beyrouth, affrontemens qui ont provoqué l'arrêt des émissions de Futur TV.

13 mai 2008

L'enquête sur le meurtre de Hariri aurait interrogé le propriétaire d'un quoditien koweitien

Le très bon (et sérieux) blog de Joshua Landis, Syria Comment, vient de reproduire un article en français concernant une évolution récente de l'enquête sur l'assassinat de Rafic Hariri. Ces informations me semblent particulièrement intéressantes, je les recopie ici pour ne pas le perdre...

Je tiens cependant à mettre un bon gros avertissement:

  • il s'agit, selon Joshua Landis, d'un article du quotidien As-Saoura; il me semble qu'il s'agit de l'organe officiel du parti Baas en Syrie;
  • l'article serait basé sur un article d'un autre quotidien, koweitien, Al-Diwan; je n'ai évidemment pas accès à ce quotidien (est-il en ligne, à quelle adresse?);
  • article qui, lui-même, cite «des sources de presse au siège de l'ONU à New York»;
  • pourquoi cet article est-il en français?
  • c'est donc de l'information de troisième main (au moins), à partir d'une source anonyme, avec traitement final par le parti Baas syrien.
Bref, gaffe. Super-gaffe.

Il se joue là quelque chose d'important. Soit une manipulation syrienne, soit une manipulation Hariri.

Le 13 mars 2008, Mohamed Zuhair As-Siddiq, témoin-clé (ou manipulateur, manipulé, on ne sait plus...) dans l'assassinat de Hariri, retenu en France, disparaît. Bernard Kouchner reconnaît que l'homme a disparu. As-Siddiq est-il gênant pour les Syriens ou pour les Hariri, les deux thèses s'affrontent. La thèse, disons, «pro-syrienne», prétend qu'As-Siddiq a été soudoyé par le clan Hariri pour apporter un faux témoignage à Dehtlev Mehlis mettant en cause les plus hautes instances syriennes. Deux thèses «anti-syriennes»: (a) Siddiq est vraiment un témoin capital; (b) c'est un affabulateur envoyé dans les pattes de l'enquête internationale par la Syrie pour piéger et décrédibiliser Mehlis.

Après sa disparition, ses frères (Imad et Omar) accusent depuis la Syrie la France d'avoir facilité son enlèvement ou sa liquidation. Le lendemain, le journal koweitien As-Syassa affirma s'être entretenu au téléphone avec As-Siddiq, qui aurait déclaré: «Je vis caché, dans un endroit tenu secret, près de la France ou du Tribunal international, et je vais bien.» (Selon Jürgen Cain Külbel – dont je me méfie, m'enfin bref –, As-Syassa appartient au clan Hariri.)

Le 11 avril, un article de L'Orient-Le Jour résumait cette histoire de disparition-réapparition.

Encore une fois, ce qui suit est à prendre avec des pincettes. Info-intox... Cependant, nombre des informations seraient vérifiables. Cet article du Baas syrien existe-il? Pourquoi est-il en français? L'article du Diwan existe-t-il? Une délégation de la commission d'enquête s'est-elle déplacée au Koweit? Y a-t-elle interrogé pendant 3 jours le patron d'As-Syassa? As-Syassa appartient-il à Saad Hariri? Autant de petites choses que des journalistes devraient parvenir à vérifier. (Je ne suis pas journaliste et, non, je ne peux pas vérifier moi-même.)

La Commission d’enquête internationale sur l’assassinat de l’ancien Premier Ministre libanais HARIRI interroge le propriétaire du quotidien koweitien As-Syassa
1 mai 2008

Le quotidien koweitien Al-Diwan a rapporté citant des sources de presse au siège de l’ONU à New York et d’autres sources au sein des bureaux du quotidien koweitien Al-Siyssa qu’une délégation de la commission d’enquête internationale sur l’assassinat de Hariri composée de 3 enquêteurs accompagnés de techniciens et d’analystes d’informations s’était rendue au Koweït où elle avait interrogé pendant 3 jours et au rythme de 10 heures par jours l’éditeur et propriétaire du quotidien koweitien As-Siyassa Ahmed EL-JARALLAH connu pour ses positions alignées sur les forces du 14 février au Liban et accusé par l’opposition d’être le porte parole d’Israël et des alliés des Etats-Unis au Liban.

L’interrogation de M.EL-JARALLAH s’inscrit dans le cadre d’une enquête secondaire ouverte par le nouveau chef de la commission d’enquête internationale sur l’assassinat de HARIRI sur la présence de groupes et de réseaux chargés de fournir des fausses informations ainsi que des faux témoins à la commission d’enquête pour brouiller le cours de l’enquête qu’elle mène sur l’attentat ayant coûté la vie en 2005 à Beyrouth à l’ancien Premier Ministre libanais, Rafic HARIRI.

Selon des sources à l’ONU, le magistrat BELLEMARE a décidé de former une telle commission après avoir subi de fortes pressions de la part de la Russie, de l’Afrique du Sud, de la Libye, et de la Chine pour le pousser à prendre les mesures adéquates contre ceux qui veulent faire avorter l’action de la commission d’enquête internationale.

Le magistrat BELLEMARE a réussi à mettre la main grâce à l’aide de l’une de ces grandes puissances (peut-être la Russie) sur des enregistrements audio, des messages électroniques, et des fax contenant des ordres reçus par le propriétaire du quotidien koweitien As-Siyassa et son réseau de la part de responsables de la propagande auprès du député Saad HARIRI à savoir : le Ministre libanais Marwan HAMADE, le député Bassem EL-SABAA, les deux conseillers de Saad HARIRI, le journaliste Fares KHACHAN et Hanni HAMOUD.

Ces responsables font partie d’autres réseau de propagande liés à la famille HARIRI, à Israël et à ses collaborateurs libanais aux Etats-Unis et qui appartiennent au soi disant groupe mondial de soutien à la révolution du cèdre à savoir : Ziad ABDELNOUR, Walid FARESS, Jo BIANI, Tom HARB, et Kabalan FARES.

Le rédacteur des affaires juridiques au sein du quotidien koweitien Al-Diwan, M.Hamed YOUSSEF a affirmé avoir suivi cette question sur le terrain et obtenu une confirmation des informations fournies par les sources de presse à l’ONU de la part d’une partie indépendante à savoir : un haut fonctionnaire au sein du quotidien koweitien As-Syassa qui lui a affirmé que Ahmed EL-JARALLA avait refusé d’accéder à la demande de la commission d’enquête internationale de venir à Beyrouth sous prétexte que sa vie était en danger.

M.YOUSSEF a également affirmé que l’agent d’Ahmed EL-JARALLAH à Beyrouth Samir GHERIAFI écrivait dans les journaux sous le pseudonyme de Hamad GHERIAFI et qu’il prétendait être installé à Londres alors qu’il travaille au bureau de Marwan HAMADE à Beyrouth et ne réside pas à Londres comme l’a découvert la commission d’enquête internationale.

Les sources de presse à l’ONU d’ajouter : 7 enquêteurs de la commission d’enquête internationale sur l’assassinat de HARIRI sont entrés dans les bureaux du quotidien As-Siyassa accompagnés d’agents de sécurité en civil pour interroger Ahmed EL-JARALLAH qui a nié être impliqué dans un réseau sécuritaire et médiatique chargé de propager des rumeurs pour brouiller l’action de la commission d’enquête.

Selon ces sources, ce réseau est composé de dizaines de journalistes dont Samir GHERIAFI et un autre journaliste installé à Paris à savoir : Nizar NAIOUF, propriétaire du site électronique Al-Hakika (la vérité) et qui reçoit une somme mensuelle de 1500 euros de la part de Saad HARIRI.

Cette somme est virée sur le compte de NAYYOUF à Paris par l’intermédiaire de Bassil YARED chargé par Saad HARIRI de verser des pots de vin et d’acheter les consciences dans la capitale française.

12 mai 2008

L'effet boomerang du missile balistique

Ça m'était complètement sorti de l'esprit, c'est (l'excellent) Ibn Kafka qui me l'a rappelé...

En février de cette année, c'était un concours pour savoir qui serait le mâle dominant. Le jeune Saad Hariri semblait bien parti, avec cette magnifique saillie:

«Nous sommes face à une présence politique et terroriste des régimes syrien et iranien au Liban»; «Si l’opposition veut la confrontation, nous sommes prêts à relever le défi».
Mais force resta à l'expérience, l'ancienneté et le charisme du vieil étalon Joumblatt:
«Vous voulez le chaos? Il sera le bienvenu. Vous voulez la guerre? Elle sera la bienvenue. Nous serions prêts à tout brûler sur notre passage. Notre existence, notre dignité et la survie du Liban sont plus importants que tout. Nous n’avons pas de problème avec les armes, pas de problème avec les missiles. Nous vous les prendrons. Pas de problème avec le martyre et le suicide non plus.»
Je crois que c'est incontestable: Joumblatt était alors bien plus sévèrement burné que Saad Hariri. Peut-être même plus que Steven Seagal, mais je ne voudrais pas trop choquer les militants des Forces libanaises (pour qui c'est clairement Geagea le plus mâle de la bande). Je dis ça, mais Chuck Norris dans Delta Force, quand même ça c'est un mec (sérieux: vous avez vu Delta Force?).